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Homélie du dimanche 25 février

25 février 2024 – 2ème dimanche de Carême

Genèse 22, 1… 18 ; Psaume 115 (116a) ; Romains 8, 31b-34 ; Marc 9, 2-10

Homélie du P. Michel Quesnel

Lorsqu’on la lit dans une bible, cette page d’évangile ne commence pas par « En ce temps-là », mais par « Six jours après ». Six jours après quoi ? – Après que Pierre eut reconnu que Jésus était le Christ, que Jésus eut demandé à ses disciples de n’en rien dire à personne, que Jésus eut annoncé sa passion et sa résurrection, et qu’il eut invité ses disciples et les foules à renoncer à eux-mêmes pour prendre leur croix. Avec cette scène centrale, l’évangile de Marc a marqué une première étape importante.

La scène de la Transfiguration ouvre alors la deuxième étape de l’évangile de Marc, celle qui conduira un centurion qui se trouve en face de Jésus crucifié à déclarer : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu » (Marc 15, 39). Cette confession ultime est préparée par la déclaration de la voix céleste qui retentit au jour de la Transfiguration : « Celui-ci est mon Fils bien aimé : écoutez-le. » De la montagne de la Transfiguration à celle du Golgotha, l’évangéliste propose un itinéraire conduisant ses lecteurs à reconnaître que le Crucifié est Fils de Dieu.

Cela ne correspond guère à l’idée que des humains peuvent se faire d’un Fils de Dieu. Si le Fils de Dieu est un crucifié, cela entraîne que Dieu lui-même n’est pas étranger à la souffrance. Des auteurs spirituels éminents en sont bien persuadés. L’un d’eux, le jésuite François Varillon, publiait en 1975 un beau livre intitulé La souffrance de Dieu.

Si notre Dieu est un Dieu qui souffre, cela change bien des idées que nous avons sur Dieu. Et pourtant, il n’y a pas que les évangiles à nous orienter vers une telle voie. Déjà le Psaume du jour déclarait : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens. »

La première lecture, qui raconte la ligature d’Isaac dans le livre de la Genèse, laisse entendre cela. Au départ, Dieu demande à Abraham de mettre à mort son fils. Cela implique la souffrance de deux personnes : le père qui va vivre un deuil horrible ; l’enfant qui va souffrir en étant transpercé par le couteau de son père. Mais la demande divine est modifiée au moment où Abraham saisit le couteau pour immoler son fils : Dieu ne peut supporter qu’Abraham souffre au-delà de ses forces. La demande qu’il adressa au patriarche pour éprouver sa fidélité n’a pas laissé Dieu indifférent. Il lui en a coûté de lui demander une chose aussi horrible.

Dans le passage de l’épître aux Romains qui nous a été proposé en deuxième lecture, l’apôtre Paul écrit : « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il, avec lui, ne pas nous donner tout ? » En Jésus Christ crucifié, Dieu se donne totalement. Un don d’une telle ampleur n’est pas possible sans souffrance. Certes, comme le disait Jésus, « il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes des Apôtres 20, 35), mais ce bonheur lui-même ne peut exister sans coexister avec la souffrance de se priver de quelque chose pour en faire cadeau à celui à qui l’on donne.  

Nous en faisons tous l’expérience. Ceux d’entre nous qui sont parents se sont donnés à leurs enfants. Dans leur mission parentale il y eut, et il y a encore, des moments de joie et des moments de souffrance.

Ceux d’entre nous qui sommes célibataires éprouvent la liberté que donne le célibat. Mais cette solitude comporte une part d’isolement qui est parfois difficile à supporter ; elle nous permet de nous dévouer au service de frères et sœurs croyants ou non, et ce dévouement ne va pas non plus sans souffrance.

Au début du livre de la Genèse, on peut lire : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa » (Genèse 1, 27). Si l’homme connaît la souffrance, Dieu, qui est son modèle, la connaît aussi. Elle est le lot incontournable de la créature et du Créateur.

Il est important de nous rappeler cela au cours de ce Carême. Nous essayons de vivre à fond notre condition humaine sous le regard de Dieu ; nous nous privons de biens secondaires pour nous recentrer sur l’essentiel. Cela ne se fait pas sans difficultés. Disons-nous que cela nous rapproche d’un Dieu qui, en se donnant totalement au service de sa création, est un Dieu humble, un Dieu souffrant, un Dieu infiniment proche de ce que nous sommes nous-mêmes.

Pour Dieu comme pour nous, la vie est sans cesse un passage par différentes formes de mort pour accéder à la Vie en plénitude. Que le regard sur cette Vie infiniment désirable nous aide à supporter les croix que le quotidien nous impose.

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