Isaïe 55, 10-11 – Psaume 64 (65) – Romains 8, 18-23 – Matthieu 13, 1-23
Homélie du P. Michel Quesnel
La création qui gémit, pour reprendre la formulation de l’apôtre Paul, nous en faisons l’expérience tous les jours. Tout va mal ou à peu près. Les violences urbaines sont courantes, y compris dans des villes moyennes qui ne nous avaient pas habituées à cela. Des feux d’artifice du 14 juillet ont été supprimés en raison de l’usage que certains irresponsables font du matériel destiné à exprimer la joie et la fête. La planète devient de plus en plus inhabitable. Tout cela pousse nos contemporains à un pessimisme ambiant, qui conduit certains membres des jeunes générations à ne plus vouloir donner naissance à des enfants.
Ne nous contentons cependant pas de ce pessimisme. Citons l’Apôtre de façon plus complète : « La création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. » S’il a raison, les douleurs par lesquelles nous passons sont celles de l’enfantement. Elles ne sont pas stériles. Tout travail et toute forme de progrès comporte des aspects douloureux.
C’est aussi ce que nous révèle la Parabole du Semeur telle que la rapporte l’évangéliste Matthieu. Au temps de Jésus, puisque rien n’était mécanisé, il fallait d’abord labourer la terre, à la main ou en se faisant aider par des animaux, pour qu’elle recueille le grain et le fasse germer. Il fallait ensuite porter des kilos de grain dans le repli d’un linge que l’on se fixait autour des reins, et cela pesait lourd. Il fallait encore faire attention aux gestes que l’on faisait pour que le grain se répartisse. Et il y avait des pertes. Jésus le dit clairement : une partie du grain tombe au bord du chemin ; une autre, sur le sol pierreux ; une autre dans les ronces. Quant aux rendements, cent, soixante, ou trente pour un, ceux qu’indique Jésus sont parfaitement imaginaires. A l’époque, si l’on en croit Cicéron ou les historiens de l’Antiquité, le rendement était en général de huit pour un, dix pour un dans les meilleurs cas. Il fallait travailler beaucoup pour recueillir peu.
Jésus annonce donc, au moment de la moisson, un rendement exceptionnel, une fécondité très au-delà de celle à laquelle on pourrait s’attendre. Tout est donc pour le mieux, mais… Car il y a un « mais ». Le « mais », c’est la stérilité de certains terrains dans lequel le grain tombe, et c’est là que nous sommes interrogés, puisque nous sommes chargés de faire fructifier la création et de rendre féconde la parole ensemencée.
Si nous sommes au bord du chemin, nous nous situons en-dehors du groupe qui travaille explicitement au Royaume, nous faisons allégeance à celui que Jésus appelle « le Mauvais » et nous le laissons s’emparer des biens qui ont été déposés en nous. C’est ce qui se produit lorsque nous cessons de fréquenter l’Eglise ou des groupes de chrétiens parce qu’ils nous ont déçus ou qu’ils nous semblent inutiles.
Si nous sommes sur un sol pierreux, nous n’avons pas de racines. Nous ne nous alimentons pas à la Parole de vie, l’Ecriture sainte, et nous sommes incapables de résister aux difficultés de l’existence, y compris les moqueries ou les persécutions que subissent inévitablement les disciples de Jésus.
Si nous sommes dans les ronces, nous nous laissons envahir par tout ce qui détourne de l’essentiel : le goût de l’argent et du pouvoir ; la surconsommation ; l’abus des distractions, des écrans, des fiestas où l’on se contente de manger et de boire sans véritable échange avec les autres convives. Hier, nous avons fêté saint Bonaventure, mort à Lyon le 15 juillet 1274. Il écrit, dans son Itinéraire de l’esprit jusqu’en Dieu : « Imposons silence à nos soucis, à nos convoitises, à notre imagination. »
Entendre la Parole avec un grand P suppose de s’en pénétrer. La partager avec d’autres personnes qui s’en sont également imprégnées permet qu’elle fructifie en nous.
Le passage d’Isaïe que nous avons entendu en 1ère lecture compare la parole divine à la pluie et à la neige. Elles sont faites pour humidifier la terre et la rendre fertile. Elles auront du résultat, mais ce résultat peut être sérieusement retardé par l’insouciance ou la résistance des sols qui la reçoivent. C’est peut-être cela qui se produit actuellement dans notre monde et qui en augmente les souffrances.
Donne-nous, Seigneur Jésus, de nous ouvrir aux mystères du Royaume des cieux. Nous n’y parviendrons pas tout seuls. Tu peux nous y aider. Et tu nous offres des frères et des sœurs dans la foi qui peuvent également partager nos efforts et les faire aboutir.
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