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Homélie du 10 septembre

C’était il y a quelques années. En retraite dans un monastère avec des jeunes se préparant à la confirmation.

Nous réfléchissions sur le sujet du pardon. Vaste sujet ! Quoi de plus difficile à vivre que le pardon.

Pour alimenter nos échanges, nous avions demandé au Père abbé du monastère de témoigner de la manière de vivre le pardon entre frères. Et le bon moine de nous assurer tout de go que : « s’il n’y avait pas le pardon entre les moines, il y aurait du sang sur les murs du monastère ! »

L’image était claire, limpide même, comme l’est l’exhortation de l’apôtre Paul dans la 2e lecture : « N’ayez de dette envers personne sauf celle de l’amour mutuel ! »

Mais alors comment concilier amour du prochain et péché du frère ?

« Si ton frère a commis un péché contre toi… » Nous avons tous connu cela ! Nous avons sûrement des situations en tête ! Qu’avons-nous voulu faire ?

Nous indigner contre lui ! Le prendre à part ? Désirer lui rendre coup pour coup ? Le dénoncer sur les réseaux sociaux ? Ou bien tout faire pour le retrouver comme un frère qu’il est toujours pour moi.

Telle est la voie exigeante ouverte par Jésus dans l’évangile.

Dans ce chapitre 18 de l’évangile de Matthieu, Jésus aborde la question épineuse des scandales dans la jeune Eglise. C’est vrai que la communauté des disciples n’est pas une société idéale, loin de là, pas plus que ne l’est l’Eglise aujourd’hui. Une Eglise sans péché certes mais non sans pécheurs…

Hier comme aujourd’hui, il convient donc d’être vigilant et exigeant.

Quelques versets avant la page d’évangile de ce jour, Jésus nous prévient à la fois avec fermeté et bienveillance.

Prenons garde à ne pas mépriser les plus petits qui sont les plus grands aux yeux de Dieu. Ne négligeons pas non plus le sort de la brebis perdue qui manque à l’appel du troupeau…

Alors que faire ? Punir ou convertir ? Dénoncer ou pardonner ?

Au fond, les questions qui nous sont posées se résument en une seule : jusqu’à quel point suis-je le gardien de mon frère ?

C’est vrai que nous sommes tous débiteurs de l’amour de Dieu les uns pour les autres, y compris envers celui qui nous a fait tant de mal.

Toutefois, n’y a-t-il pas un risque d’abus dans cette prise en charge de l’autre ? Dans notre désir de lui vouloir du bien à tout prix ? Voire de nous prendre pour son « sauveur » au risque de l’humilier ou de le manipuler, soi-disant pour son bien ? Aujourd’hui, nous ne savons que trop où cela peut nous conduire…

L’évangile de ce jour nous met en garde contre ce danger. Il dessine une ligne de crête pour nous apprendre à gérer graduellement nos conflits internes et nos erreurs entre frères ? Sans domination, sans illusion non plus.

« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. »

Pour en arriver là, il doit y avoir péché : non seulement un acte commis mais aussi une intention coupable, un manquement volontaire à l’amour de Dieu et de l’autre. Voilà pourquoi un dialogue s’impose pour connaître les intentions du cœur et non juger sur l’apparence.

Pour autant, on ne peut en rester là. Au besoin, il sera nécessaire de sortir de l’émotion de la subjectivité et porter l’affaire devant la communauté qui la présentera à Dieu. Car la communauté doit être priante : le Seigneur est là au milieu d’elle lorsque deux ou trois sont réunis en son nom.

Au fond, c’est lui le Seigneur qui est le seul Juge entre nous. Le frère qui s’est fourvoyé a autant besoin que moi de s’ouvrir à cet amour divin dont nous sommes tous créanciers de Dieu et débiteurs les uns des autres.

Malgré cela, si la démarche communautaire se solde par un échec, s’il y a endurcissement du cœur, obstination du frère, alors celui-ci sera regardé comme « un païen ou un publicain ». Cette expression n’a rien d’un jugement de valeur, ni d’une exclusion définitive puisque Jésus lui-même s’est fait l’ami des publicains et des pécheurs.

C’est dire qu’il reste à reprendre le chemin exigeant de la conversion évangélique avec la même patience et la même audace dont Jésus a fait preuve à l’égard des païens et des publicains, des Matthieu et des Zachée…

Par-dessus-tout, que reste-t-il si ce n’est la prière ? Et ce n’est pas la moindre des conversions : « si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. »

Matthieu insiste sur le climat de prière autant que sur la volonté d’agir au nom du Christ qui doit souder tous ceux qui s’impliquent dans cette démarche.

Il restera toujours la mission de la prière à Dieu pour ceux qui nous ont offensés autant que pour l’offenseur que nous sommes capable d’être nous aussi, comme nous osons l’avouer dans la prière du Notre Père.

Prier, oui, sans démission, sans facilité non plus, mais confiant en ce Père qui nous écoute toujours, Lui pour qui rien n’est perdu, pour qui nul n’est trop loin. Amen.

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