Homélie du dimanche 6 Juillet 2025
- igignoux
- 8 juil.
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14° Dimanche C. Evangile Luc 10, 1-12 ; 17-20
Mes amis, Jésus serait-il un doux optimiste ? Parmi ses disciples, vous l’avez entendu, il en désigne encore 72 en leur disant que la moisson est abondante – alors que, hier comme aujourd’hui, nous pourrions penser l’inverse. Mais pour Jésus pas de doute, le règne de Dieu se fait proche, il est déjà là, tout proche, au milieu de nous. Oui, l’heure est venue, ce sont les beaux jours, c’est le temps de la moisson. On embauche !...
Mais voilà, si « la moisson est abondante, les ouvriers eux sont peu nombreux » Au moment où il les envoie en mission Jésus a conscience de la disproportion entre l’immensité de la tâche à laquelle il les appelle, faire signe du « Royaume de Dieu et de sa justice » et la pauvreté des moyens pour l’accomplir : le manque de bras, le manque de volontaires, le manque de vocations… Comme quoi la crise des vocations ce n’est pas nouveau. Il y aura toujours à faire plus qu’on ne peut car la mission ce n’est pas d’abord notre affaire mais l’œuvre de Dieu. Elle est aux dimensions du cœur de Dieu. « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson »
En fait, St Luc est le seul des évangélistes à nous rapporter la mission des 72. Mais attention, la mission ce n’est pas de faire du chiffre, ce nombre 72 est un signe que ce ne sont pas seulement les 12 apôtres qui sont envoyés mais bien tous les disciples qui sont appelés et envoyés pour annoncer la proximité du Royaume de Dieu. Tous les chrétiens sont des disciples missionnaires selon l’expression chérie du Pape François. Oui, la mission c’est la tâche de toute l’Eglise, mieux encore c’est sa raison d’être, son identité, son ADN. l’Eglise est un peuple appelé et envoyé pour faire signe de la proximité de Dieu aux hommes et aux femmes de notre temps. Alors quoi qu’en disent les prophètes de malheur, il se pourrait bien que Dieu soit plus présent aujourd’hui qu’on ne le pense. Il nous revient d’en témoigner à temps et contre temps. Aujourd’hui c’est bel et bien, encore et toujours, l’heure des moissons.
C’est l’heureuse nouvelle que nous avons mission d’annoncer.
Mais je vous l’accorde, devant une telle tâche, nous nous sentons bien pauvres, démunis, voir même dépassés, loin d’être à la hauteur. Pas facile de témoigner aujourd’hui du Royaume de Dieu et de sa justice, dans notre monde matérialiste, notre société consumériste, soupçonneuse vis à vis de la religion, où beaucoup vivent comme si Dieu n’existait pas, ou sont indifférents au message chrétien. Oui, la tâche est rude pour trouver de nouveaux chemins à l’Evangile. C’est vrai, mais n’oublions pas que déjà les chrétiens des premières générations ont dû faire face à de redoutables difficultés, à de véritables défis à relever, eux qui formaient une toute petite communauté au milieu d’une mer de paganisme, de superstition et de fatalisme. Alors ne sous estimons pas les difficultés, ne faisons pas comme s’il suffisait de dire « Jésus, Jésus » et de voir l’Esprit saint partout. Non l’Evangile n’est pas un slogan, ni un nouveau mantra, ni un produit de consommation, ni une drogue douce pour une vie hors sol, l’Evangile est un souffle de vie qui veut faire du neuf dans le cœur des hommes, un Esprit nouveau, un cœur nouveau, car les hommes ont besoin de beaucoup plus d’amour que le monde ne peut leur en donner.
Tenez, j’en prend pour preuve le petit manuel du missionnaire tel qu’il nous est décrit avec l’envoi des 72 disciples. Lorsque Jésus les envoie, il ne dit pratiquement rien du message à transmettre, mais il leur rappelle comment ils doivent se comporter. Il ne leur donne aucune consigne d'ordre "doctrinal". Il ne parle pas du contenu de la foi mais des comportements concrets des messagers : leur habillement, leurs manières de se présenter, leurs bagages pour la route, leur manière d'entrer en relation. Eh bien ces consignes sont aussi valables pour nous aujourd’hui qu’elles l’étaient au temps du Christ.
Tout d’abord, nous devons avoir une attitude de paix. « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups… Dites d’abord paix à cette maison. » Nous ne sommes pas envoyés pour convertir, pour faire du prosélytisme, mais pour montrer aux gens que nous les aimons, que nous leur voulons du bien, que nous désirons leur apporter la paix … Et Dieu fera le reste. Nous allons vers les autres avec une mentalité d’agneau et non de loup. Nous ne devons pas être plein de nous-mêmes, suffisants, agressifs, comme si nous avions des réponses à tout. Nous devons savoir aimer. Ce que nous apportons c’est la paix et non une doctrine ou des dogmes. Notre pauvre monde a bien besoin de paix, non pas la paix des armes, mais la paix de Dieu.
Oui, ce n’est que dans la paix que nous pourrons nous rencontrer, nous apprécier, nous enrichir mutuellement et entrer en Alliance avec Dieu. Le contraire de la paix - les situations de tension, de méfiance, de lutte, de compétition, d'exclusions, d'isolement et d'indifférence - conduisent à la violence et aux conflits de toutes sortes. Et bien nous sommes envoyés pour apporter la paix, guérir les relations sociales, oser une parole neuve.
Nous sommes donc envoyés pour apporter la paix et le Christ ajoute : « Mangez ce qu’on vous offre et guérissez les malades ». Être chrétiens c’est d’abord partager la vie des gens autour de nous. Ces questions alimentaires nous semblent bien secondaires aujourd’hui, mais on connaît les interdits « casher » des juifs. Ces paroles de Jésus résonnent comme une grande libération et comme une invitation à nous adapter au genre de vie de ceux et celles qui nous reçoivent. Mangez comme eux, ne laissez pas les différences culturelles interférer avec l’amour que vous avez pour les gens. Et une fois bien insérés dans la vie des gens, le Christ nous invite à guérir les malades, être proches de ceux et celles qui souffrent, accompagner ceux et celles qui vivent dans la solitude. Il s’agit d’une Bonne Nouvelle en action dont le but est de faire reculer le mal, soulager, guérir... Le christianisme n’est pas une religion de vœux pieux, mais une religion d’entraide, de fraternité, de partage.
Enfin, le Christ nous rappelle que nous sommes envoyés en mission, non pas pour avoir du succès, mais parce que nous sommes aimés de Dieu : « Réjouissez-vous, parce que votre nom est inscrit dans les cieux ». Alors en cas de succès dans la mission pas d’effervescence, et en cas d’échec pas de panique non plus, ni de stress. L’efficacité de la mission ne provient pas de nos dons naturels ou spirituels. Sa source est en Dieu. Lui seul est victorieux du mal et c’est cette victoire que nous célébrons chaque dimanche lors de l’Eucharistie.
Et bien rendons-grâce, réjouissons-nous, puisque notre mission est de préparer la venue du Seigneur, de faire signe de sa proximité … et Dieu fera le reste ! Et prions donc le Maître de la moisson qu’il fasse de nous des moissonneurs d’amour ! AMEN




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