Homélie du dimanche 19 octobre 2025
- igignoux
- 21 oct.
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Corruption, partialité, déni de justice… L’histoire de la parabole évangélique de ce dimanche, avec cette affaire de justice non honorée et finalement rendue, semble plus vraie de nature.
Voilà un juge qui finit par rendre justice. Il le fait non pas parce qu’il se serait converti ou qu’il aurait peur de représailles éventuelles mais seulement pour ne plus être importuné.
L’homme reste le même intérieurement, il désire seulement qu’on le laisse tranquille.
Comme quoi, on peut bien changer d’avis sans changer de vie !
Le déni de justice signalé est d’autant plus dramatique qu’il vise une femme veuve, nous dit-on. Une femme sans ressources, ni protection, et donc n’ayant pas assez d’argent pour se défendre…
Contraint de mener une existence sans aide ni sans droit, il a vraiment de quoi être découragé...
Chaque jour, l’actualité égrène son lot de découragement. Parce qu’un conjoint s’en est allé brusquement. Parce qu’un enfant est en échec et n’en fait plus qu’à sa tête. Parce qu’une maladie récemment diagnostiquée vient tout bouleverser. A cela, s’ajoutent les accidents de la vie, le fléau de la drogue, de l’argent facile, des écrans avec leurs lots d’addictions en tout genre…
Face à tant d’épreuves, frappés par tant de coups durs, que faire pour tenir bon dans la vie, vers qui oser se tourner ? Vers Dieu ? Mais que fait-il ? Qu’attendre encore de lui alors qu’il ne semble sourd à nos appels ?
« Mon Dieu, je ne vous aime pas, proteste la poétesse Marie Noël dans sa prière pour demander la foi. Je m’ennuie avec vous. Peut-être même que je ne crois pas en vous. »
A ses disciples aussi sombres que désabusés, Jésus dit qu’il faut toujours prier sans se décourager.
Cause toujours ! Combien sont-ils dans nos églises et même en dehors à se lancer dans la prière à corps perdus et à cœurs perdus ? Et qui se battent, et qui s’accrochent comme à une bouée, mais qui finissent par se décourager : « Dieu m’a abandonné. Je prie et il ne répond pas ! ».
C’est à eux d’abord que Jésus propose cette histoire de juge corrompu et de veuve casse-pieds.
Elle le sait bien, la veuve, qu’il serait sans doute plus simple de glisser sous la table un petit bakchich, un pot de vin. Mais elle est pauvre et ne dispose que
d’une seule arme : son entêtement. Elle va donc insister, s’obstiner, tambouriner, lui casser les pieds jusqu’à la victoire.
A Rephidim, Moïse, lui aussi, va garder les mains levées jusqu’à la victoire.
Réphidim, le lieu du repos en hébreu, sera surtout pour Moïse le lieu de l’épuisement. Car pour vaincre les adversaires d’Amalécites, ils sont deux : Josué, le chef de guerre dans la plaine et Moïse, le chef de la prière, sur la montagne.
Avec le bâton de Dieu à la main, symbole de l’autorité du commandement, Moïse encourage les siens, signale les attaques, indique le chemin. La prière mène le combat. Moïse ne doit surtout pas baisser les bras, ce serait une catastrophe pour les combattants. Et lorsque, malgré tout, ses mains s’alourdissent, Aaron son frère et Hour, se précipitent pour le soutenir. L’un d’un côté, l’autre de l’autre.
De Moïse épuisé à la veuve éplorée, même combat !
Moïse ne prie pas Dieu d’attaquer à sa place mais de lui donner la force de lever les bras pour emporter le combat.
La veuve ne prie pas Dieu de fléchir le juge à sa place mais de lui donner le courage de ne pas désarmer mais, au contraire, de l’affronter sur son propre terrain.
Prier sans se décourager.
C’est dire que la prière n’est pas l’art de fuir. Au contraire, elle est l’art de tenir bon la barre de la foi, de ne pas déserter le lieu du combat. C’est aussi acquérir l’art de protester…
Dieu exauce toujours mais savons-nous lui demander jusqu’à l’importuner ?
Savons-nous aussi patienter effrontément dans la foi pour mendier sa parole et son action ?
Toutes les mendiants de Dieu que nous sommes, nous pourrions bien faire nôtre la suite de la prière de Marie Noël :
« Mon Dieu, je ne vous aime pas. Mais regardez-moi en passant…
Si vous avez envie que je croie en vous, apportez-moi la foi.
Si vous avez envie que je vous aime, apportez-moi l’amour.
Moi, je n’en ai pas et je n’y peux rien. Je vous donne ce que j’ai : ma faiblesse, ma douleur et cette tendresse qui me tourmente et que vous voyez bien, et ce désespoir et cette honte affolée.
Mon mal, rien que mon mal.
C’est tout, et c’est mon espérance. »
Amen




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