Homélie du dimanche 28 septembre 2025
- igignoux
- 30 sept.
- 4 min de lecture
Ne trouvez-vous pas que cette parabole avec son histoire d’outre-tombe et cette demande de faire revivre les morts, aurait tout à fait sa place dans un film de science fiction !
Blague à part, cette page d’évangile fait moins sourire qu’il n’y paraît tant elle met en scène deux personnages, plutôt deux caricatures de personnages qui ne se parlent pas et qui ne se rencontreront jamais. Quel gâchis !
Voyez d’abord cet homme, riche de son état, « vêtu de pourpre et de lin fin » comme les hauts magistrats romains. Quelqu’un de la haute société qui mène la grande vie. Un homme riche de ses biens mais pauvre en humanité qui vit dans son monde, un monde clôt que l’on aperçoit tout juste du portail, là où se tient, un autre homme, un pauvre homme appelé Lazare.
Son nom à lui est tout un programme « celui que Dieu aide ». Pas pour l’instant en tout cas puisqu’il est couché, couvert d’ulcères (et donc impur) entouré de chiens errants. Un autre monde…
Le problème, comme souvent, est que ces deux mondes ne se rencontrent pas, ils ne se côtoient même pas, ni en ce monde-ci, ni dans l’au-delà.
Pire, un gouffre les sépare à tout jamais.
Mort et enterré, le riche se retrouve dans les douleurs du séjour des morts.
Mort mais pas enterré, le pauvre est emporté par les anges auprès d’Abraham.
Là encore, aucune relation possible. Le riche meurt de soif et mendie un peu d’eau. Impossible répond Abraham, le gouffre est trop immense entre eux.
Sur la terre comme au ciel, un abîme infranchissable... Vraiment, quel gâchis !
Cette parabole d’une rare dureté est sans pitié.
Pas une miette n’est venue atténuer la faim du pauvre, pas une goutte d’eau n’atténuera la soif du riche. Alors, c’est ça l’évangile ! C’est ça la Bonne Nouvelle du jour ! Le simplisme, la vengeance ! Pas la moindre échappatoire ! Que faire de la conversion dans tout ça ? Et la miséricorde ? Alors que le riche commençait justement à ouvrir les yeux, et son cœur…
Ce début de conversion ne méritait-il pas un peu de compassion ?
Derrière ces deux personnages de la parabole se cache bien-sûr un enjeu plus collectif, toujours actuel, malheureusement.
Comment ne pas penser aux tragédies humaines de notre époque, aux drames humanitaires dans le monde (au Proche et Moyen-Orient bien-sûr, au continent Africain aussi), sans oublier nos villes, nos quartiers jusqu’à la porte de nos églises où des Lazare couchés sont là à nous demander une petite pièce à la sortie de la messe…
Devant cet océan de misère, nous essayons tant bien que mal d’apporter notre modeste goutte d’eau. Mais est-ce suffisant ?
Réduire la parabole du riche et du pauvre à la seule question de la consolation ne fait pas droit au problème majeur de la jeune communauté chrétienne au moment où elle s’élargit.
C’est une affaire sensible pour l’évangéliste Luc. Si nous sommes ouverts à tout, un riche peut-il entrer dans la communauté ? La réponse est risquée selon la réaction de Jésus après le départ du jeune homme riche. Oui, il peut entrer, mais non sans mal « car il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu ».
Et Jésus de dénoncer ces pharisiens qui se réclament des Ecritures pour justifier leur amour de l’argent, eux qui se recommandent de la Loi pour refuser le message de Jésus. Un comble !
Les Ecritures elles-mêmes distinguent la richesse, signe de bénédiction, qui nous ouvre aux vraies richesses humaines, et la richesse qui ignore les pauvres.
Nous voilà bien prévenus.
Pourtant, ce n’est pas faute pour le riche d’insister auprès d’Abraham pour ses frères. Il faut les prévenir, et avec eux, tous ceux qui sont encore enfermés dans leurs richesses ou leur certitude.
Comment les réveiller ? Ne faudrait-il pas un événement un peu sensationnel, tel un grand rassemblement festif à grand renfort de guérisons, de louanges et de prédications affectives. A Lyon, nous savons très bien faire cela…
Faudrait-il alors chercher du côté des sciences occultes et autres franc-maçonneries très en vogue dans les milieux lyonnais ? Certains ne manquent pas de les fréquenter, y compris parmi les bons chrétiens du dimanche.
Non, pas de sensationnel, pas de miracle surfait, pas de mise en scène à grand spectacle, rien de tout cela.
Seulement écouter une Parole, la Parole de Moïse et des prophètes. Ecoutons déjà celle du prophète Amos dans la 1re lecture, lui qui n’hésite pas à dénoncer sans ménagement ceux qui vivent bien tranquilles chez eux, « cette bande de vauriens qui, dit-il n’existera plus ».
Seul le souffle prophétique d’une telle Parole, nous le croyons, a pour elle de faire tomber en nous bien des murs, de combler bien des fossés et d’aider à franchir bien des abîmes qui nous séparent.
Pas de mort vivant, non. Mais bien un Vivant, oui, qui nous appelle à vivre avec Lui cette mort-là, à consentir dès aujourd’hui à nous ouvrir radicalement à la vie par une mort à nous-mêmes. Pour cela, nul besoin de faire revivre les morts.
Car c’est le Ressuscité lui-même qui nous le dit ! Alors écoutons-le !
Amen
Père Bertrand Pinçon




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