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Éditorial « Si le grain ne meurt… »


Cette parole de Jésus a eu une singulière postérité. C’est le titre d’un récit autobiographique composé par André Gide, dans lequel il raconte les vingt-six premières années de sa vie et ses relations avec d’autres garçons. Evidemment, lors de sa parution en 1926, le livre fit scandale.


Il y a aussi quelque chose de scandaleux dans les paroles prononcées par Jésus, car il les commente ainsi : « Qui aime sa vie la perd… » Alors, nous ne devrions pas aimer notre vie ? – L’aimer, si, mais pas d’un amour inconsidéré.

Réfléchissons : si les humains ne mouraient pas, la terre, déjà abondamment peuplée, le serait à l’excès. Elle serait invivable. Il est bon que la vie terrestre des vivants, y compris celle des humains ait une fin. Cela permet le renouvellement, l’avancée, la marche. Car l’immobilité, c’est la mort.


Réfléchissons encore : notre vie terrestre ne prend sa valeur que parce qu’elle se termine un jour. Qui d’entre nous aurait envie que cela ne se termine jamais, que cela dure des siècles, des millénaires et davantage ? La vie actuelle est-elle suffisamment agréable pour mériter de ne pas se terminer ? Cette existence sans fin serait indéfinie, plus qu’infinie. Et nous nous mettrions à souhaiter une mort impossible. La situation de « mort morte », pour reprendre la formulation d’Agrippa d’Aubigné, serait particulièrement tragique.


Jésus a donc raison : « Si le grain tombé en terre ne peut pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12, 24). Ce qui vaut pour les plantes vaut pour tous les vivants, y compris les humains.

Il est bon que notre vie terrestre se termine. Il est bon que nous nous y préparions, le carême est un moment privilégié pour ce faire. Mourons dès maintenant à la rancune, au pouvoir capricieux, à la surconsommation, à la jouissance effrénée, à l’hyper-sécurité, à tout ce qui nous fait oublier la fragilité qui est la nôtre. C’est dans le Christ qu’est notre assurance.


P. Michel Quesnel, prêtre auxiliaire à St Bonaventure et à la chapelle de l’Hôtel-Dieu    

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