Exode 34, 4b… 9 – Daniel 3, 52-56 – 2 Corinthiens 13, 11-13 – Jean 3, 16-18
Homélie du P. Michel Quesnel
La fête de la Sainte Trinité est relativement récente dans l’Eglise. On en trouve des traces à partir du Xe siècle de notre ère. C’est en effet l’une des rares fêtes chrétiennes où on ne célèbre pas un événement de l’histoire du salut, comme Noël, Pâques ou la Pentecôte, mais une réalité théologique, pour conclure de façon synthétique le cycle qui va du début de l’Avent à la Pentecôte. Et nous en aurons deux autres, instituées plus récemment encore, dans les jours qui viennent : le Saint-Sacrement, dimanche prochain ; et le Sacré-Cœur de Jésus, le vendredi 16 juin.
Les lectures qui nous sont proposées pour cette fête ne nous invitent pas à essayer de comprendre le mystère de la Trinité ou à pénétrer dans la vie divine – c’est impossible –, mais à réfléchir au rapport que nous entretenons avec le Dieu amour. La foi chrétienne, en effet, n’est pas une croyance ; c’est une attitude, une relation, un rapport, qui concerne en même temps la connaissance, l’espérance et l’activité. On pourrait résumer ainsi l’attitude chrétienne : « Je crois, donc j’agis. » J’agis en fonction de ce que Dieu a révélé de lui dans l’histoire du monde.
Cela commence par Moïse, dans le livre de l’Exode. Le passage que nous avons lu se situe après l’épisode du Veau d’Or, à la suite de quoi Moïse avait, dans sa colère, brisé les tables de la Loi. Une nouvelle fois, Dieu proclame alors son nom : il est « Le Seigneur, tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » La colère existe, elle peut frapper les pécheurs jusqu’à la troisième génération. Mais la bienveillance divine sur ceux qui respectent l’alliance peut se manifester jusqu’à la millième génération. Cette croyance ancienne, selon laquelle une personne pouvait être punie ou récompensée sur ses descendants, est démentie par des textes bibliques plus récents. Mais ce qui mérite déjà d’être mis en valeur dans cette croyance ancienne, c’est le contraste entre trois générations pour le châtiment, et mille générations pour la récompense.
On trouve le même contraste dans l’évangile de Jean, un passage dans lequel Jésus s’adresse à Nicodème. Certes, il y a des mots sévères comme « perdre », « juger », ou « jugement ». Mais ils sont mineurs par rapport aux termes positifs : « Dieu donne… obtenir la vie éternelle… que le monde soit sauvé. » La disproportion entre la sévérité de Dieu et sa bienveillance, je dirais même sa bienfaisance, est considérable.
Et quand on lit, le passage de la 2ème épître aux Corinthiens qui nous a été proposé en 2ème lecture, le même contraste demeure. Je rappelle le contexte : les chapitres 10 à 13 de cette épître sont extrêmement sévères. Les chrétiens de Corinthe se sont laissé influencer pas de prétendus évangélisateurs qui prêchaient un Evangile contraire à celui de Paul ; l’Apôtre réagit avec une grande violence. Il ne peut cependant pas terminer sur ce ton sévère et violent. Les quelques versets qui concluent l’épître sont au contraire très apaisés : « joie, perfection, encouragement, accord, paix, amour, baiser de paix… »
Le tout dernier verset, qui a été repris dans la salutation par laquelle s’ouvrent nos messes catholiques, est également très rassurant : « grâce de Jésus Christ, amour de Dieu le Père, communion du Saint-Esprit. » L’amour que les personnes divines vivent entre elles, elles désirent avant tout en faire bénéficier la Création, et l’humanité qui est comme le couronnement de la Création.
Alors, frères et sœurs, célébrons cette fête de la Sainte Trinité dans l’esprit qui nous est suggéré par ces lectures bibliques. « Dieu est amour », comme l’écrit saint Jean dans sa première épître, et il souhaite nous partager quelque chose de l’amour existant en son sein. Que notre foi en ce Dieu trine nous conduise à vivre également, entre nous et avec tous nos frères et sœurs humains, des relations animées par un amour actif, inventif, capable de compenser le tragique de l’existence par des attitudes de bienfaisance joyeuse. Glorifions Dieu par notre vie.
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