« Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis. » Drôle d’idée tout de même que de se comparer à une porte ! Oui, Jésus, le bon berger, se présente ce dimanche, non seulement comme le bon pasteur, mais également comme « la porte » par laquelle entrent et sortent les brebis. « La porte », quelle étonnante comparaison !
Oh, certes, en Orient, à l’époque de Jésus, les bergers pouvaient se coucher en travers de l’entrée de l’enclos et constituer ainsi une porte sécurisée pour leurs brebis. Mais ici Jésus ne dit pas « je suis le bon berger qui se couche à l’entrée de l’enclos pour protéger mes brebis. Non, il dit simplement : « Moi, je suis la porte. »
« La porte », mais quelle est donc cette porte que constitue Jésus ? La porte, nous savons bien ce qu’est une porte. Il faut qu’elle soit ouverte ou fermée. On peut se heurter à une porte close. On peut enfoncer des portes ouvertes ou bien écouter aux portes. On peut chasser quelqu’un en lui ordonnant de « prendre la porte, allez oust dehors ! » On peut claquer la porte au nez de quelqu’un. Et on peut tenir porte ouverte, se tenir sur le seuil pour accueillir ses visiteurs. Bref, une porte peut- être ouverte ou fermée, car une porte n’est porte que lorsqu’elle fonctionne vraiment comme porte : une porte toujours fermée est un mur, une porte toujours ouverte est un trou dans le mur. La vraie porte permet de passer d’ici à là-bas.
Alors, quelle est donc « la porte » dont nous parle Jésus ? Souvenez-vous, Jésus nous en donne des indices dans d’autres passages des évangiles : c’est la porte étroite qui mène à la vie, qui mène au Royaume. « Moi, je suis la porte », dit Jésus, il est donc le passage pour accéder à la vie et à la vie en abondance, la vie même de Dieu. Nous savons donc en quoi Jésus est « la porte » et vers quoi il ouvre « la porte ». Oui, « la porte », dont Jésus parle, avant d’être un objet qui tourne sur ses gonds, est avant tout une ouverture dans un mur. « La porte », dont Jésus parle, permet de ne pas être condamné à rester enfermé, emmuré, prisonnier de l’autre côté du mur. « La porte », dont Jésus parle, c’est celle qu’il nous invite à franchir d’un bon pas, alors que, soyons honnêtes, avouons-le, cette porte qui n’est autre que sa souveraine liberté d’aimer, nous semble par moment si difficile à franchir. Oui, si Jésus se présente comme « la porte », c’est bien pour dire qu’il est passage. Il veut nous ouvrir largement « la porte » de la vraie vie.
Et voilà pourquoi il ne fait pas que se comparer à une porte, puisqu’il dit aussi : « Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et il trouvera un pâturage. » Oui, vous le voyez, avec Jésus, tout change : la porte devient passage, au-delà de nos enfermements, de nos murs intérieurs, de tout ce qui nous empêche d’entrer en relation avec autrui, même là où à vue humaine, à priori il n’y a pas d’issue. Oui, avec Jésus, la porte devient vraiment ce qu’elle est : un passage, car en passant par lui, nous pouvons entrer dans ce bercail accueillant, dans cette large communion qu’est, que doit être l’Église du Christ pour que jamais nous n’y soyons ou ne nous sentions comme étouffés, parqués, confinés. En passant par la porte Jésus, nous sommes introduits dans la proximité de Dieu, nous entrons dans l’intimité d’un cœur à cœur avec Dieu, et nous découvrons que nous pouvons le rencontrer en nous-même, porte close, dans le secret de notre chambre intérieure ; nous découvrons qu’il y a en chacun de nous un espace intérieur, très vaste en réalité, et que Dieu agrandit encore, car c’est là qu’il veut faire sa demeure.
Voilà « la porte » dont parle Jésus, ce n’est pas n’importe quelle porte, elle est liberté qui permet aux brebis de sortir pour gambader et se rassasier à leur guise dans l’enclos. « Il pourra entrer, et il pourra sortir », ajoute Jésus, qui n’oppose pas, mais unifie profondément les deux mouvements, vers l’intérieur, vers l’extérieur. Sortir, non pas pour fuir, nous échapper ou nous perdre dans la recherche folle d’une liberté désorientée, sans but, mais pour trouver un pâturage, un lieu nourrissant, la vie enfin, la vie surabondante que Jésus est venu nous donner et qui s’appelle, dès à présent, la vie éternelle.
Mes amis, tout ce temps pascal, nous est donné pour nous ouvrir à cette vie-là, qui est la vie de Dieu, nous ne la possédons pas par nous-mêmes et, de nous-mêmes, jamais nous ne pourrions y accéder. Il faut Quelqu’un pour nous y conduire, quelqu’un qui la possède en lui-même, et c’est pourquoi Jésus n’est pas seulement la porte qui ouvre l’accès à la vie, il est aussi le berger qui nous y entraîne ; Oui, c’est lui qui nous fait sortir et même qui nous « pousse dehors », comme dit vigoureusement l’Évangile, car nous sommes souvent comme des brebis apeurées n’osant franchir le pas vers la vraie vie, la vraie liberté des enfants de Dieu. Mais voici maintenant qu’à la seule voix du berger, qui appelle chacun des siens par son nom, nous passons de la servitude, ou d’une semi-liberté, à la liberté pleine et entière, nous passons d’une vie réduite, rognée par l’habitude et le péché, d’une vie morte en quelque sorte, à la vie en abondance, la vie nouvelle, la vie éternelle.
C’est donc bien toujours un passage que nous fait accomplir Jésus, lui qui est à la fois notre porte et notre berger. Or, vous le savez, « passage », c’est ce que signifie le mot « Pâques » en hébreu. Jésus nous fait passer de la mort à la vie parce que, le premier, il a accompli ce passage, cette Pâque, en donnant sa vie pour ses brebis. Et c’est à nous désormais qu’il demande d’être la porte par laquelle, lui le Ressuscité, pourra passer pour partager avec nous sa vie en nourriture : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe, dit le Seigneur dans l’Apocalypse. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. »
Allez heureux vous les parents, qui par le sacrement du baptême pour votre enfant, souhaitez que s’ouvre toujours pour lui « la porte » de la vie, et de la vie en abondance. Oui, en Jésus son Fils et notre frère, Dieu nous a donné un Pasteur attentif, qui est « la porte » des brebis et qui appelle chacune par son nom. Et bien que le Seigneur nous apprenne à discerner sa voix dans le tumulte et le brouhaha du monde. Qu’il nous ouvre largement, « la porte » de la vraie vie !
Références bibliques : Ac 2, 14.36-41 – 1 P 2, 20b-25 – Jn 10, 1-10
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