Ezéchiel 34, 11… 17 / Psaume 22 (23) / 1 Corinthiens 15, 20… 28 / Matthieu 25, 31-46
En ce dernier dimanche de l’année liturgique, nous fêtons le Christ roi de l’univers. C’est un des aspects de la personne de Jésus Fils de Dieu. De même qu’il est impossible de définir Dieu, la personne de Jésus est tellement riche qu’aucun mot ne peut suffire pour la saisir dans sa totalité.
C’est bien ce que révèle la page d’évangile que nous venons d’entendre. Lorsque Jésus décrit de façon imagée la scène du jugement dernier, il utilise lui-même plusieurs mots pour se désigner. Il parle, en commençant, du Fils de l’homme assis sur un trône de gloire. Dans l’action qu’il entreprend, il agit comme un berger qui opère un tri au sein de son troupeau. Quand il prend la parole, c’est là qu’il utilise le terme de roi : pas tellement roi de l’univers, mais roi de l’humanité qui décide du sort de ses sujets. Et enfin, lorsqu’il évoque les actions des personnes humaines, il occupe une autre place : celle du plus petit de ses frères et de nos frères : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. »
Ainsi, Jésus est-il un roi qui s’identifie au plus modeste de tous les humains. Il n’y a pas beaucoup des rois ou des reines de la terre qui acceptent d’occuper cette dernière place. Il n’y en a même aucun.
Elle est impressionnante, cette scène du jugement dernier, et elle peut nous faire peur. Car les paroles prononcées sur les boucs placés à la gauche du berger ont toutes les raisons de nous inquiéter : « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » Les boucs ne sont pas accusés d’avoir fait le mal, ils sont accusés de ne pas avoir fait le bien. Autrement dit, c’est le péché par omission qui est visé. Or, lequel d’entre nous a fait tout ce qu’il pouvait faire vis-à-vis de ses frères en difficulté ? A ce compte-là, nous méritons tous d’être damnés. Et comment pouvons-nous alors considérer que l’Evangile est une bonne nouvelle ?
Regardons cependant le texte de plus près. La scène du jugement dernier a souvent été représentée au tympan des cathédrales ou dans des fresques superbes, à commencer par celle de Michel-Ange dans la Chapelle sixtine, mais cette représentation par des peintures ou des sculptures ne permet pas de saisir toute la richesse des paroles. Quand Jésus nomme ce à quoi sont destinées les personnes qu’il place à sa droite, il leur dit : « Recevez en héritage le Royaume préparé pour vous. » Et quand il nomme le lieu où sont envoyées les personnes qu’il place à sa gauche, il leur dit : « Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. » Le royaume des élus a été préparé pour eux ; et le feu infernal a été préparé pour le diable et ses anges. Il n’y a pas de symétrie, alors que les peintures et les sculptures représentent la scène de façon symétrique. Or, le diable et ses anges sont-ils destinés à vivre pour toujours ?
La réponse est « non » si l’on en croit saint Paul. Dans le très beau passage de la 1ère épître aux Corinthiens qu’il consacré à la résurrection des humains, il écrit que le Christ « anéantira parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance ». Or, Satan fait partie du lot. Et, craignant de n’avoir peut-être pas été assez clair, Paul précise un peu plus loin : « Le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort. » Autrement dit, Satan disparaîtra du paysage, et le feu qui a été préparé pour lui est ses anges, également. L’Apôtre peut alors conclure : « Et ainsi, Dieu sera tout en tout. »
La traduction liturgique écrit « tout en tous ». Mais l’adjectif indéfini peut être un masculin ou un neutre. Je préfère le neutre : « Tout en tout. » Nous fêtons aujourd’hui le Christ roi de l’univers, et non pas le Christ roi de l’humanité. C’est toute la création qui sera la demeure de Dieu et qui aura Jésus pour roi.
La scène du jugement dernier nous invite à aimer gratuitement l’ensemble de nos frères et sœurs, y compris les plus petits d’entre eux. Elle nous rappelle le sérieux d’une exigence. Elle n’est pas faite pour nous faire peur.
Réjouissons-nous que notre création soit tout entière destinée à avoir Jésus Christ pour roi, et à être la demeure définitive de Dieu le Père. L’Evangile est vraiment une bonne nouvelle.
Homélie du P. Michel Quesnel
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