Dimanche 21 mai 2023 – 7ème dimanche de Pâques
Actes des Apôtres 1, 12-14 – Psaume 26 (27) – 1 Pierre 4, 13-16 – Jean 17, 1b-11a
Homélie du P. Michel Quesnel
Laissons-nous d’abord séduire par la poésie de cette belle prière que Jésus adresse à son Père, où il ne craint pas de répéter plusieurs fois des mots qui sont riches de sens. Le verbe « glorifier » : « Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie » ; « Je t’ai glorifié sur la terre » ; « Glorifie-moi auprès de toi » ; « Je suis glorifié en eux »… Le verbe donner : « Tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair » ; « Il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés » ; « Les hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner ; « Ils étaient à toi, tu me les as donnés » ; « Tout ce que tu m’as donné vient de toi » ; « Je leur ai donné les paroles que tu m’avais données » ; « Ceux que tu m’a donnés sont à toi »…
Jésus parle de lui-même tantôt à la première personne du singulier, tantôt à la troisième personne : « Que le Fils te glorifie » ; « Celui que tu as envoyé, Jésus Christ »… Il a une très grande liberté dans la façon qu’il a de parler à son Père, liberté qui nous invite à avoir vis-à-vis de Dieu une liberté semblable.
Nous apprenons aussi que nous, les disciples, appartenons au Père et qu’il nous a donnés au Fils : « Je prie pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi »… Autrement dit, nous sommes des cadeaux que le Père a donnés à son Fils. Nous sommes des cadeaux, alors que souvent nous pensons que les humains sont plutôt médiocres, comme quand on le dit à propos d’une personne dont on parle avec un certain mépris : « Ce n’est pas un cadeau ! » Eh bien, c’est faux. Nous sommes des cadeaux.
Nous sommes des cadeaux, et il convient que nous nous comportions comme tels. L’exemple de comportement qui nous est proposé aujourd’hui, c’est celui de la première communauté de Jérusalem après l’Ascension de Jésus : nous tenir dans la chambre haute d’une maison de la ville, unis par un même cœur, assidus à la prière…
Etant de tels cadeaux, nous n’avons rien à craindre, comme le rappelle le Psaume 26 : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? » Je veux « habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ».
Tout cela peut paraître bien optimiste, car notre vie n’est pas faite que d’événements heureux. Cela est vrai. Mais là, c’est la 1ère épître de Pierre qui nous éclaire. Les souffrances font partie de notre quotidien, y compris celles que nous subissons parce que nous appartenons au Christ, mais elles peuvent aussi être source de joie. Nous l’avons entendu : « Dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. »
Certes, notre joie ne sera totale que dans l’autre monde, mais elle est déjà anticipée dans ce monde-ci. Nous aurions tort de penser qu’il faut vivre dans des conditions confortables pour connaître la joie. La joie est possible, quelles que soient les conditions et les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons.
C’est d’ailleurs ce que proclament les Béatitudes, qui sont comme un résumé de la foi chrétienne : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi » (Mt 5, 11).
Notre joie ne dépend pas des conditions ni des circonstances dans lesquelles nous vivons, mais du regard que nous portons sur l’existence. « Les bonheurs que nous recherchons le plus souvent sont des bonheurs qui ont peur de la joie véritable », écrit le P. François Cassingena-Trévedy, un moine bénédictin devenu ermite. Plus ancienne et peut-être plus connue est cette affirmation d’Alexandre Soljenitsyne : « Un homme est heureux tant qu’il décide de l’être, et nul ne peut l’en empêcher. »
Oui, frères et sœurs. Soyons joyeux d’être des cadeaux que le Père offre à son Fils ; Jésus est ainsi notre frère aîné, comme l’écrit l’apôtre Paul (Rm 8, 29). Nous pourrons alors partager la joie que connaissent entre elles les trois personnes de la Trinité, joie qu’elles éprouvent parce qu’elles se donnent constamment l’une à l’autre.
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