Dimanche 17 mars 2027 – 2ème dimanche de Carême
Jérémie 31, 31-34 – Psaume 50 (51) – Hébreux 5, 7-9 – Jean 12, 20-33
Homélie du P. Michel Quesnel
« Nous voudrions voir Jésus » : telle est la demande que des Juifs de la Diaspora, montés à Jérusalem pour la fête de la Pâque, adressent à un membre du groupe des Douze qui parle sans doute grec, à savoir Philippe, le seul du groupe qui, avec André, porte un nom grec. Nous sommes quelques heures après l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, le dimanche des Rameaux.
« Voir Jésus… » Vous avez sans doute remarqué que le verbe « voir » n’est plus employé dans la suite du texte. Au lieu de se montrer, Jésus se met à parler. La parole a remplacé la vue. C’est normal, car la vue avec les yeux est trompeuse. Comme l’écrit Antoine de Saint-Exupéry dans Le petit prince : « L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu’avec le cœur. » Ou, comme l’écrit le prophète Jérémie, l’alliance que Dieu est décidé à conclure avec nous comporte une Loi invisible, enfouie au fond de la personne : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. »
Jésus déclare que l’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Et de quel type de glorification s’agit-il ? De sa mise en croix, quand il sera pendu par les bras en haut d’un pieu fixé en terre : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les humains. » Et l’évangéliste précise : « Il signifiait par-là de quel genre de mort il allait mourir. »
Pour Jean l’évangéliste, la croix, à laquelle Jésus sera suspendu, est un trône. Evidemment, on ne se rend pas compte de cela avec les yeux du corps. Quand on regarde un crucifié, on ne voit qu’un corps décharné, en train d’agoniser dans des souffrances atroces. C’est un spectacle horrible.
C’est d’autres yeux qu’il faut avoir pour discerner, devant un tel spectacle, que le Fils de l’homme est glorifié, et que Dieu lui-même est glorifié, comme le dit la voix céleste répondant à la demande de Jésus, « Père, glorifie ton nom. » Le ciel répond : « Je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore. » Jésus est en gloire sur la croix, et Dieu est glorifié par la croix du Christ. On est en plein paradoxe.
Mais finalement, n’est-ce pas toute la vie qui est paradoxale ? C’est bien de ce que Jésus déclare en utilisant l’image du grain qui meurt : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » La vie n’est pas possible sans la mort. C’est ce que j’ai souligné dans l’éditorial que j’ai composé dans la Newsletter de ce weekend.
Si les humains ne mouraient pas, la terre serait surpeuplée. Comment de nouveaux êtres humains pourraient naître, si les plus âgés ne disparaissaient pas pour leur laisser une place ?
Et de la même façon, quand on regarde ce qu’est une vie terrestre, elle ne prend sa valeur que parce qu’elle se termine un jour. Qui d’entre nous aurait envie que cela ne se termine jamais, que cela dure des siècles, des millénaires et davantage ? La vie actuelle n’est pas suffisamment agréable pour mériter de ne pas se terminer. Cette existence sans fin serait inconsistante, indéfinie, plus qu’infinie. Et nous nous mettrions à souhaiter une mort impossible. La mort serait morte : c’est la situation que décrit Agrippa d’Aubigné, dans Les tragiques, pour désigner l’enfer.
Certes, la mort est tragique. Mais l’absence de mort le serait bien davantage. Il faut donc accepter de ne pas aimer la vie terrestre au-delà de ce qu’elle mérite, et d’accepter la mort comme une heureuse issue de notre condition terrestre.
Ce n’est pas du pessimisme, c’est du simple bon sens. Là où la vie est merveilleuse, c’est qu’elle se prolonge dans l’au-delà. De même que le grain de blé tombé en terre ne peut imaginer le monde que la plante qui sortira de lui découvrira lorsqu’elle s’élèvera en direction du ciel, nous ne pouvons aucunement imaginer ce que sera notre vie au-delà de notre mort.
Alors, glorifions Dieu par notre vie, en aimant comme Dieu aime, et en étant convaincus que notre vie terrestre est un chemin vers une existence infiniment plus belle et plus désirable.
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