Genèse 12, 1-4a – Psaume 32 (33) – 2 Timothée 1, 8b-10 – Matthieu 17, 1-9
Chaque année, pour le 2ème dimanche de Carême, nous est proposée comme page d’évangile la scène de la Transfiguration. En cette année A, c’est le texte de saint Matthieu qui a été retenu. Ce récit fait immédiatement suite à la première annonce de la Passion, dans laquelle Jésus a annoncé sa souffrance et sa mort tragique suivies de sa résurrection, en précisant que les disciples devraient, aux aussi, passer par la croix : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive » (Mt 16, 24). Le rappel de ce contexte est nécessaire pour comprendre le récit de la transfiguration.
Dans cette scène, il y a du visuel et de l’auditif.
Le visuel est extraordinaire et réconfortant : le visage de Jésus devient brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. C’est comme si sa résurrection était anticipée. Pour compléter le tout, Moïse et Elie sont là, aux côtés de Jésus. Comme ils sont morts depuis longtemps, cela signifie qu’ils sont toujours vivants après leur mort. Ils s’entretiennent avec Jésus. Cela montre que, dans l’au-delà, nous serons tous contemporains les uns des autres : les intervalles de la durée ne seront plus une frontière. C’est un grand message d’espoir.
On comprend qu’à la vue de cela les trois disciples présents, Pierre, Jacques et Jean, soient habités par une joie profonde. Pierre a envie que la scène se prolonge, il souhaite dresser des tentes pour fixer cet instant et que Jésus, Moïse et Elie, qui sont dans la gloire, puissent rester avec eux.
Cependant, la suite est beaucoup moins positive. Vient d’abord une nuée qui prend sous son ombre ces superbes icônes qu’ils ont pu regarder. Elle est le cadre dans lequel se manifeste l’auditif. Une voix céleste déclare d’abord : « Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui je trouve ma joie ». Ce sont les mêmes paroles qui étaient venues du ciel lors du baptême de Jésus par Jean Baptiste. Mais elle continue : « Ecoutez-le. » Or, qu’est-ce que Jésus vient de dire ? - Qu’il devait mourir de façon tragique et que chaque disciple devait prendre sa croix.
Au bonheur et à la joie de ce que les disciples ont vu, succède la panique. Matthieu précise qu’en entendant cela les disciples tombèrent face contre terre et qu’ils furent saisis d’une grande crainte. L’auditif était infiniment plus tragique que le visuel.
Si, en tant que communauté chrétienne, nous nous mettons à la place des disciples, nous passons sans doute par les mêmes phases qu’eux.
Le visuel est souvent réconfortant. Il n’y a qu’à voir le temps que les adolescents – et parfois nous-mêmes – passent sur les écrans ! Lorsque nous nous réunissons dans les églises, nous nous trouvons la plupart du temps dans des lieux superbes, construits par nos ancêtres. A Saint-Bonaventure, nous sommes très gâtés dans ce domaine. Même si on aimerait que les murs soient nettoyés, l’harmonie de l’architecture nous touche. Toutes proportions gardées, nous sommes un peu comme Pierre, Jacques et Jean, séduits par ce qu’ils sont en train de contempler.
Mais le cœur de ce que nous entendons, c’est la Parole de Dieu, qui n’est pas aussi uniformément réjouissante. Certes, chaque weekend, nous célébrons la résurrection du Seigneur. Mais nous entendons aussi, et tout particulièrement pendant le Carême, le programme que Jésus annonce au disciple, qui comporte l’acception de la croix. Devant cette perspective, les humains sont souvent saisis par la crainte. Les Ukrainiens en savent quelque chose !
Dans un pays comme la France, nous ne risquons guère la persécution. Mais nous pouvons être pris à parti parce que nous nous réclamons du Christ. Et nous mettons à notre programme des privations pour que nos frères défavorisés vivent moins mal : c’est le partage… Du temps donné pour vivre en intimité avec Dieu : c’est la prière… D’autres privations pour nous recentrer sur l’essentiel : c’est le jeûne.
Donne-nous, Seigneur, d’écouter les paroles de Jésus qui nous rappellent ces exigences, et de les mettre en pratique. Elles sont le seul chemin vers la lumière de la Résurrection.
Homélie du P. Michel Quesnel
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