Isaïe 52, 7-10 – Psaume 97 (98) – Hébreux 1, 1-6 – Jean 1, 1-14
Homélie du P. Michel Quesnel
Dans la soirée et la nuit du 24 décembre, nos regards étaient tournés vers l’enfant de Bethléem. L’atmosphère était touchante et poétique, pleine de tendresse : la naissance de Jésus eut lieu dans une étable, avec une mangeoire pour animaux, des bergers, des anges qui parlaient et qui chantaient ; on était pris par la magie de l’événement. La liturgie du 25 décembre a une tonalité très différente. Les textes sont centrés vers l’action du Dieu Père, et deux d’entre eux sont le début de l’œuvre à laquelle ils appartiennent : l’épître aux Hébreux et l’évangile de Jean. Ils donnent à la fête un caractère de commencement.
C’est ce terme qu’emploie l’évangile de Jean : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. » Ces paroles nous invitent à réfléchir sur les origines du monde, et sur tout ce qui s’est passé depuis ce moment initial. L’épître aux Hébreux rappelle deux étapes majeures de la révélation divine : dans le passé, Dieu a parlé par les prophètes ; mais, dans les jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils.
En fait, les étapes furent plus nombreuses que ce qu’en écrit l’épître aux Hébreux. Avant de parler par les prophètes, Dieu se révéla au peuple hébreu en passant par Moïse, comme le rappelle le Prologue de Jean… Moïse qui lui donna une Tora, c’est-à-dire un enseignement contenant des lois : Dieu indiquait au peuple élu comment se comporter pour être fidèle au projet du Créateur.
Puis vint le temps des prophètes qui prononcèrent devant le peuple d’Israël des paroles que Dieu leur inspirait, pour décrypter les événements auxquels il était mêlé. Les prophètes dénonçaient le mal que commettaient les gens, mais prononçaient également des messages d’espérance qui méritent le nom de Bonnes Nouvelles, autrement dit d’Evangiles, comme le souligne le prophète Isaïe.
Puis vint le temps des Sages, pendant et après l’Exil : on leur doit les Proverbes, le Cantique des Cantiques, Job, le beau livre de Qohélet, et tous les livres de Sagesse ; ils mirent en forme ce que Dieu avait encore à dire à son peuple pour qu’il vive de façon harmonieuse. Tout cela constitue les trois parties de la Bible juive : la Tora, les Prophètes et les Ecrits.
Avec Noël, le monde connut une ère nouvelle. Dieu ne s’est plus contenté de se faire connaître en inspirant des paroles à Moïse, aux prophètes et aux sages ; mais sa parole a pris forme humaine en la personne de Jésus. Non seulement Jésus a parlé ; mais il a aussi agi, devenant ainsi un modèle parfait, digne d’être imité par tous les humains. Après le commencement du monde, celui des origines, nous avons là un nouveau commencement, une étape fondamentale de l’histoire. Et l’on peut se réjouir que tous les pays de la terre ou presque comptent leurs années en les situant par rapport à la naissance de Jésus. Ils donnent ainsi à cette naissance le caractère central qu’elle a réellement : les événements sont datés avant ou après Jésus-Christ. On a parfois désacralisé le comput en parlant d’ère commune au lieu d’ère chrétienne ; c’est cependant la naissance de Jésus qui reste la référence.
Ainsi, à Noël, sommes-nous tous invités à vivre de nouveaux commencements, à aller « de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin », selon la belle formule de saint Grégoire de Nysse.
Commençons à mieux connaître Dieu par la fréquentation de la Bible et par la prière. Si nous passons plus de temps par jour à regarder le journal ou les écrans qu’à lire la Bible et la méditer, il y a quelque chose qui cloche dans notre organisation.
Commençons à mieux aimer nos frères humains. Si nous entretenons des rancunes tenaces, si nous n’entreprenons rien pour venir en aide à ceux qui manquent de l’essentiel, qu’ils soient nos concitoyens ou des personnes qui ont migré chez nous pour fuir la violence ou la pauvreté, nous ne pouvons pas dire que nous aimons notre prochain.
Commençons à mieux respecter la création. Si nous n’avons aucun sens de la contemplation devant un beau paysage, si nous continuons à trop exploiter les ressources minières, si nous polluons le sol avec les déchets que nous répandons, nous ne sommes pas fidèles à la mission que l’Eternel confia aux premiers humains en les installant sur une petite planète du vaste univers.
Oui, frères et sœurs. Chaque jour de notre vie mérite de connaître de nouveaux commencements. Sortons de nos routines. A Noël, Dieu a modifié sa façon de se faire connaître aux humains. C’est pour nous une invitation à nous renouveler souvent, à aller de l’avant, dans le sens d’un amour plus grand pour Dieu, pour nos frères et pour la Création tout entière. Amen.
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