Homélie du dimanche des Rameaux 2025
- igignoux
- 15 avr.
- 3 min de lecture
Dimanche Rameaux et Passion du Seigneur C
Evangile St Luc 23,1-49
Mes amis, quelle semaine qui s’ouvre devant nous ! Quel mot assez fort pour dans la qualifier ? La Tradition l’a appelée : Semaine Sainte. Une semaine bouleversante où les évènements se précipitent. D’un triomphe populaire presque délirant jusqu’à la mort solitaire sur une potence d’ignominie, en passant par un étrange procès, tout cela en un raccourci saisissant de quelques jours. Une affaire mineure, somme toute, comme tant d’autres aujourd’hui dans le monde. Elle ne concerne qu’un petit groupe de parents et d’amis qui suivent au gré des rumeurs la courbe déchirante des inquiétudes et des espoirs.
Pourtant, ces évènements vont lancer à jamais le christianisme dans les méandres de l’histoire. « Evènements fondateurs » comme diraient ceux qui scrutent les évolutions de l’humanité. Evènements qui inspireront à travers les âges une foule innombrable d’artistes : les dramaturges populaires, comme les poètes, les musiciens et les peintres. Evènements qui susciteront surtout des disciples par millions qui, en se remémorant, y reviendront sans cesse comme à la source vive.
L’histoire est belle, mais elle est triste, dramatique, même si nous savons qu’elle finit malgré tout plutôt bien. Une fois encore, dans quelques jours, au soir maussade d’un vendredi saint assombri, nous allons la réentendre. Sans doute serons-nous émus, touchés par ce Jésus qui agonise et meurt sur le bois d’une croix, comme un paria, victime innocente d’une foule déchaînée, d’un océan de haine. Nous attendrons alors que s’apaise la tempête et que l’aube d’une Pâque joyeuse nous invite, amicale, à reprendre la mer pour la grande aventure de la foi.
Oui, en trois jours l’affaire sera bouclée : la mort rappelée et la Résurrection célébrée. Jésus sur qui l’on crache et le Christ au jardin, au petit matin, que les femmes, les premières, reconnaissent… Trois jours pour tendre la main à une jeune histoire vieille de plus de deux millénaires. Trois jours pour s’en faire, une fois encore, les héritiers. Trois jours pour quitter les rivages nourriciers de la mémoire et s’aventurer en hautes mers, dans les eaux profondes de la foi. Car, voyez-vous, Pâques nous invite bien plus qu’à une cérémonie du souvenir. Cette semaine que l’on dit sainte, ne le sera vraiment, que si nous avons l’allègre folie de la conjuguer au seul temps qui plaise à Dieu : le présent.
Vivre Pâques dans la foi, c’est en effet cesser de n’en faire qu’une commémoration d’un événement du passé ; c’est accepter d’ouvrir aujourd’hui, ici et maintenant, le tombeau de nos existences au souffle qui a relevé Jésus d’entre les morts. Pâques accoste au quai de nos existences chaque fois que nous entendons ce souffle, cette brise légère, ce murmure de l’Esprit dans la rumeur du monde. Se mettre en marche vers la Résurrection, c’est d’abord prendre, comme disent les musiciens, le temps de travailler notre oreille. La Semaine Sainte devrait être, entre toutes, semaine de l’écoute, semaine pour l’écoute…
Alors ce dimanche des Rameaux, tendons l’oreille, l’oreille de notre cœur. Car ouvrir au Christ un passage en nos vies est toujours téméraire. Avec son amour de Fils Bien-Aimé il lui prend sans cesse de nous appeler à la perfection du Père. Ouvrir au Christ est toujours périlleux, car avec sa Parole il lui prend sans cesse de mettre en cause l’ordre si bien agencé de notre vie si soigneusement organisée pour notre satisfaction. Ouvrir au Christ est toujours imprudent car avec son désir de sauver le monde il lui prend sans cesse de nous apprendre à tout faire pour le bonheur et le salut de nos frères. Ouvrir au Christ est toujours risqué car avec sa compassion devant la misère il lui prend sans cesse de nous entraîner à partager, à tout distribuer pour apaiser les faims de la terre. Ouvrir au Christ est toujours une folie car avec son Evangile il lui prend sans cesse de placer des jalons qui balisent d’étroits chemins devant lesquels nous hésitons parce que nous sommes sûrs d’y heurter nos pieds, notre tranquillité et notre volonté. Ouvrir au Christ est toujours courageux car avec sa passion de libérateur il nous arrache à nos demeures pour nous conduire sur la plus haute colline où l’on écarte les bras pour tout donner, tout livrer, par amour uniquement, et où l’on passe dans la vie d’éternelle beauté, la vie éternelle que depuis toujours l’on espérait.
Voilà mes amis, trois jours et trois nuits s’ouvrent devant nous. Trois jours et trois nuits pour vivre des passages et des traversées. Trois jours et trois nuits qui nous feront vivre les Evènements fondateurs de notre foi. Avec cette grande semaine qui s’ouvre aujourd’hui, nous pourrons alors dimanche prochain renaître à l’espérance qui nous est donnée dans l’éclatante lumière du jour de Pâques. Bonne et sainte semaine à vous tous !
Amen
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