top of page

Homélie du dimanche 9 Février 2025


Dimanche 9 février 2025

5° dimanche ordinaire C

Evangile Luc 5, 1-11

 

Dites-moi, plutôt morose ce petit groupe de pêcheurs autour de Pierre, tandis que le jour se lève sur le lac. Toute la nuit, ils ont travaillé, dans le froid, dans l’humidité, dans la fatigue, et rien, pas même le plus petit poisson ! Il est frustrant parfois le métier de pêcheur quand il se passe en nuit blanche. Simon et les siens ont regagné la rive, la rage dans le cœur, pour s’occuper ils mettent un peu d’ordre dans les filets, ils les réparent, ils les lavent… et comme ce n’est la faute de personne, ils déplorent les malheurs des temps.


Dites-moi, quelquefois aussi un peu moroses les chrétiens. Nous avons travaillé, nous nous sommes dépensés, nous avons tant prié pour proposer la foi et en retour si peu de réponses, tout au plus une indifférence polie ! Oh, certes, aujourd’hui des catéchumènes de plus en plus nombreux mais il n’empêche nos assemblées dominicales toujours en peau de chagrin, elles ont bien du mal à se renouveler, et que dire de tous ces « intermittents » de la foi, qui ne font que passer pour un mariage, un baptême sans suite… Alors que- là, dehors, à nos portes, il y a cette foule de gens que nous voudrions rejoindre et qui échappe aux mailles d’une Eglise sur laquelle on s’interroge parfois.

    Oui, comme Simon et les siens, rentrant bredouille à la fin d’une nuit d’effort, nous sommes nous aussi parfois découragés, parce que nos filets sont vides, désespérément vide. La mission piétine, nos initiatives semblent vaines, notre labeur donne si peu de fruits. La barque de Pierre, l’Eglise, semble jeter ses filets dans les eaux de la modernité, sans grand succès, sans qu’un seul poisson n’y demeure. Les temps sont rudes pour l’Evangile !


   « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre. » Mais attention, tout de même, car la raison d’être de l’Eglise serait-elle d’attraper des hommes comme on pêche des sardines ou des truites ? Et, si possible en une quantité fantastique, preuve alors d’une bonne stratégie qui validerait la compétence d’un capitaine d’une embarcation, et des matelots ? Bien évangéliser, serait-ce simplement gonfler le butin d’une pêche à la drague ? Faire du nombre ? Jésus aurait-il, pour la barque et l’équipage de son Eglise, l’ambition de naviguer sur un sardinier ? Non, l’homme n’est pas un être aquatique. L’eau n’est pas son milieu naturel. Ce n’est pas là sa place pour s’épanouir. Pour vivre il doit donc en être retiré, au sens réel comme au sens symbolique. Car l’eau, pour l’homme de la Bible concentre, métaphoriquement toutes les peurs, les angoisses, en un mot : le mal qui accable chacun.


    « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras ». En les instituants aujourd’hui « pêcheurs d’hommes », Jésus fait donc de ses apôtres des acharnés du Salut pour tous ! Leur mission ? Retirer du mal l’humanité, tirer la tête de l’eau de tous ceux menacés de noyade dans les flots de leurs contradictions les plus effrayantes. Evangéliser ce ne sera jamais autre chose que de dire avec force, qu’un avenir est toujours possible et que le mal ne saurait avoir le dernier mot d’une vie. Et non seulement l’annoncer, mais le mettre en œuvre concrètement. On ne se paye pas de mots avec l’Evangile. On s’engage, on plonge, on s’éclabousse de la misère du monde ! Il faut toujours se risquer en eaux profondes.


     « Avance au large, et jetez vos filets… » Comme on comprend, qu’en écho à un tel appel, il y ait un point commun entre les trois figures bibliques que nous proposent les lectures de ce dimanche : toutes se sentent indignes devant l’ampleur de la mission, devant la sainteté de Dieu. « Je suis un homme aux lèvres impures » reconnaît le prophète Isaïe. Même réaction chez Paul qui porte le poids de sa culpabilité : avant son « chemin de Damas », n’a-t-il pas été un grand persécuteur des disciples de Jésus ? Avec lucidité il se définit comme un « avorton ». Et Simon-Pierre lui-même est frappé de terreur lorsque, face à la pêche miraculeuse, il constate la fécondité de la Parole de Dieu. Alors comment, face au Seigneur, ne pas sentir petit, pauvre, pécheur ?

L’une des grandes grâces du christianisme réside dans le fait qu’il ne « recrute » pas ses témoins parmi des « parfaits », des « surhommes » mais parmi la foule des « gens ordinaires » qui portent le poids de leurs limites, de leurs doutes, de leurs erreurs. C’est avec le bois mort de toutes nos faiblesses que Dieu construit son temple, avec la boue de nos vies qu’il bâtit son tabernacle au cœur de notre fragile humanité.


    Parfois, nous serions tentés d’attendre d’être « vraiment » chrétiens pour nous engager à suivre Jésus. Nous plaçons en quelque sorte la « barre spirituelle » trop haut ! Il y a là un piège dangereux. La sainteté n’est pas un état « chimiquement pur », c’est une marche, un devenir, une lente tentative pour laisser la grâce passer en nous malgré l’épaisseur de nos pesanteurs. Oui, n’oublions jamais que c’est avec les pécheurs que nous sommes que Dieu fait des saints ! Marcher vers la sainteté, ce n’est pas essayer de nous laver frénétiquement de la glaise qui nous colle à la peau : c’est travailler, pas à pas, à rendre souple cette terre bourbeuse sous les mains du Dieu potier. N’en doutons pas : avec la vase de nos marécages intérieurs, le Seigneur va façonner le vase où fleurira notre éternité…


    « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre… mais sur ta Parole, je vais jeter les filets ».


Comme Pierre ce dimanche, ne nous méprenons pas : si l’effroi nous saisit devant les défis contemporains de l’évangélisation, que ce ne soit pas repli frileux sur nous-mêmes. Que l ’effroi nous saisisse plutôt devant le trop grand amour dont Dieu aime les hommes Que ce soit par passion pour tous les hommes. Que ce soit en considération de la multitude à aimer. Allez n’ayons pas peur de gagner le large, de nous risquer en eaux profondes, de jeter nos filets, de nous laisser surprendre par la fécondité inattendue de la Parole de Dieu qui sera, pêche miraculeuse, la merveille inespérée de la grâce de Dieu pour notre temps.

 
 
 

Comentários


bottom of page