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Homélie du dimanche 4 Mai 2025


3° dimanche Pâques C. Evangile Jean 21,1-19. Homélie.

 

Que font-ils ? Que font-ils là ? Que diable peuvent-ils bien faire ces tristes disciples « sur le bord de la mer de Tibériade », triturant des filets vides au bout d’une nuit infructueuse ? Auraient-ils oublié en l’espace d’une semaine qu’ils sont les témoins du ressuscité ? Voilà qui est bien étrange. Ils l’ont vu déjà par deux fois et où vont-ils ? A la pêche !... Jésus leur a dit : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie et ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis. » Et eux, s’en retournent à leurs filets et à leur barque ! Mais auprès de qui entendent-ils témoigner ces pêcheurs du dimanche ? Auprès de poissons éberlués et dociles ? Est-ce pour le bonheur des carpes et des gougeons qu’ils ont été envoyés ? Sont-ce des péchés de mollusques que le Seigneur leur a demandé de remettre et de pardonner ? Bien étrange tout cela… « Moi, je m’en vais à la pêche » annonce laconiquement Pierre aux autres disciples qui s’empressent de lui emboiter le pas.


    En fait, comment mieux traduite le sentiment qu’ils éprouvent que tout est fini et bien fini. Au début de l’évangile, lors de sa rencontre avec Jésus, Pierre avait laissé derrière lui cette même barque et ses filets pour suivre Jésus, porté par une espérance, un enthousiasme à déplacer les montagnes. Mais aujourd’hui tout cela semble bien loin. Jésus est mort, l’espérance s’est muée en désespoir, il faut reprendre la vie d’avant. Cette nuit-là passée sans rien prendre est bien à l’image de ce que ressentent les disciples au plus profond d’eux-mêmes. Cette nuit-là, sur leur barque ils sont en plein dans les ténèbres de la mort. Il fait nuit dans leurs cœurs.


    Mais n’en doutons pas, si nous gardons en mémoire ce récit d’évangile, c’est que ce que vivent les disciples à ce moment-là, n’est pas sans nous rappeler ce que vivent de trop nombreuses personnes aujourd’hui. Peut-être vous, moi, - nous-mêmes aussi : désillusion, espoir déçu, fatalisme, absence d’espérance, résignation… tous ces maux qui empêchent la vie. Si l’actualité n’arrête pas de nous rappeler les nombreux défis que l’humanité devrait être capable d’affronter, il faut bien admettre qu’une lame de fond semble répondre : « mais, à quoi bon !... Que peut-on y faire ?... » Et chacun de s’en retourner sagement à sa barque. Il fait nuit aujourd’hui dans beaucoup de cœurs.


    Mais c’est justement à ce moment précis que Jésus vient se manifester aux siens pour les sauver des eaux de la mort. Car le Seigneur n’est pas dans la mort, il est sur l’autre rive. Il est ressuscité. L’aube commence juste à poindre. Une voix venue du rivage les interpelle : « Jetez le filet et vous trouverez. » Ils ne le reconnaissent pas, mais une petite voix intérieure, le murmure de l’Esprit, les invite à faire, à refaire confiance, à croire malgré tout, à croire sur Parole. Et sur son indication la pêche est miraculeuse, car c’est lui et lui seul qui attire au-delà de la mort, permettant de la traverser. Oui, Celui-là même qui était mort a surgi des enfers comme cette pêche frétillante a jailli mystérieusement des profondeurs de la mer. Cette vie réveillée dans les abîmes dit la puissance de la résurrection. Il n’est aucun échec pour l’homme ou pour le monde, que Dieu ne puisse surmonter. Devant cette abondance inespérée, c’est pour les disciples le lever du jour, le matin de Pâques. La mort est vaincue, on accoste sur le rivage, on partage le repas du Seigneur.


   Les disciples font l’expérience de Pâques. Et nous-mêmes sommes invités à la faire à notre tour. Ce dimanche, c’est nous qui sommes appelés à lancer les filets, à constater la pêche miraculeuse et à manger le repas du Seigneur. D’ailleurs avez-vous remarqué que dans la barque, certains disciples étaient nommés (Simon-Pierre, Thomas, Nathanaël, les deux fils de Zébédée) et que deux autres restaient anonymes ? Ces deux pêcheurs anonymes, c’est vous, c’est moi. C’est la Bonne Nouvelle de ce dimanche : dans la barque qui traverse la mort, il y a de la place pour nous.


   Eh bien, les cinquante jours du temps pascal sont pour nous comme une longue aurore, une invitation à plonger à la rencontre de Celui qui nous convie à le rejoindre, qui nous dit où jeter le filet et qui prépare le repas pour nous. Profitons de ce long lever du jour pour nous éveiller, nous réveiller, nous relever, nous dégourdir : avec le Seigneur nous sommes ressuscités ! Et souvenons-nous qu’il y a quinze jours, nous avons marché derrière le cierge pascal, dont la flamme éclairait les ténèbres de la nuit et illuminait les sombres recoins de nos vies. Au cours de la vigile pascale, avec les nouveaux baptisés nous avons été plongés dans la mort et la résurrection de Jésus. Le Christ nous a fait sortir du tombeau. Débarrassons-nous donc de tout ce qui est encore sclérosé dans nos existences, exposons-nous à la lumière du jour nouveau. La vie, la vie en abondance, la vie éternelle nous est offerte…


   Inattendu en effet le résultat de cette pêche pourtant vouée à l’échec.  Inattendue aussi la mission confiée par le Seigneur à celui qui l’avait renié trois fois. Inattendu encore ce vibrant témoignage des apôtres devant le conseil et le grand prêtre alors que quelques heures plus tôt, ils étaient encore enfermés dans la peur et le doute. Totalement inattendue la présence du Ressuscité au milieu de ses disciples au lever du jour. Au coeur de notre foi, la victoire de la vie sur la mort.


    Eh bien, gardons vif au cœur l’invitation du Seigneur :« venez manger » car lorsque l’amour, comme le pain, se donne et se partage, la croix aurait beau se dresser, la vie sera toujours plus forte. De nos cendres froides, le souffle du Ressuscité peut faire jaillir un feu de braise. Alors Seigneur donne-nous de ton pain, rassasie-nous de ta vie. Nous nous chaufferons au feu qui ne s’éteint pas, nous vivrons de la Résurrection et nous aiderons ceux qui peinent encore dans la nuit.

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