26 janvier 2025 – 3ème dimanche du temps ordinaire
Néhémie 8, 2… 10 ; Psaume 18 (19) ; 1 Corinthiens 12, 12-30 ; Luc 1, 1-4 et 4, 14-21
Homélie du P. Michel Quesnel
Ce que l’on vient de lire à la suite est extrait de deux passages différents de l’évangile de Luc : d’abord la dédicace du livre à un certain Théophile, dans laquelle l’écrivain explique son projet ; ensuite le début de la prédication de Jésus à Nazareth, où il vient de lire un extrait du recueil d’Isaïe et déclare que cela s’accomplit aujourd’hui. Ce passage est bien connu.
Beaucoup moins connu est l’extrait du livre de Néhémie qui nous a été proposé en première lecture. Or, il mérite qu’on s’y arrête, car il est plein de richesses.
Nous sommes vraisemblablement en 445 avant notre ère. Grâce à l’édit du roi perse Cyrus, environ un siècle auparavant, les Judéens exilés en Mésopotamie ont pu rentrer à Jérusalem. Mais la situation était précaire : ils avaient commencé à reconstruire le Temple détruit par Nabuchodonosor, mais les travaux étaient peu avancés ; et les remparts n’étaient pas reconstruits. La ville sainte était donc exposée aux invasions, la situation des habitants était plus que fragile.
Le scribe Esdras, qui était également prêtre, eut alors une idée géniale. A l’occasion de la fête des Tentes, à l’automne 445, il proposa aux habitants de se rassembler et d’écouter la lecture de la Loi de Moïse, qui était à la fois la force du peuple et le ressort de son unité. On lui aménagea une estrade, et il passa plusieurs heures à lire ce qui avait déjà été mis par écrit de la Loi de Moïse.
Plusieurs détails méritent d’être soulignés. D’abord, parmi les auditeurs, il n’y avait pas que des hommes, mais aussi des femmes et des enfants en âge de comprendre, alors que, à l’époque, les questions religieuses étaient essentiellement l’affaire des mâles adultes. Ensuite, puisque la Loi de Moïse était écrite en hébreu et que cette langue n’était plus comprise par les habitants qui avaient exilés pendant plusieurs décennies, des traducteurs traduisaient en araméen ce qu’ils entendaient, en sorte que le peuple puisse comprendre.
Après cette lecture, le prêtre Esdras et les lévites qui étaient présents firent le commentaire de ce qui venait de se passer. Leurs paroles sont extrêmement encourageantes : « Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas. » Et un peu plus loin : « Mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. » Autrement dit : « Faites la fête, et partagez les bonnes choses que vous avez avec ceux qui n’ont rien. »
Cela peut paraître totalement irréaliste : la reconstruction du temps est à peine ébauchée, les remparts de la ville sont toujours inexistants, le danger semble permanent, et c’est le temps de faire la fête ! Quelle en est la raison ?
C’est là qu’interviennent les dernières paroles qui nous ont été lues : « La joie du Seigneur est votre rempart. » Autrement dit : « Des remparts matériels, vous n’en avez pas ; votre ville est encore à moitié en ruine ; l’insécurité matérielle est constante ; mais vous avez un trésor que vous ne soupçonnez pas, c’est la joie du Seigneur ; et, ce trésor, vous êtes invités à le partager, car vous formez un corps. »
Cette joie du Seigneur s’est manifestée par l’amour que Dieu porte à son peuple en lui donnant sa Loi, puis en le faisant revenir de l’Exil. Elle a beaucoup plus de force que toutes les sécurités matérielles que vous pourriez souhaiter. Et votre solidarité vous permettra que chacun en bénéficie.
Ces paroles méritent de nous toucher alors que le monde qui nous entoure est plein de difficultés et d’embûches. Le pessimisme ambiant s’impose à nous. Mais, si nous avons la foi, nous avons un rempart plus fort que les sécurités matérielles : c’est la joie du Seigneur que nous sommes invités à partager.
C’est à cela qu’invite l’apôtre Paul dans la longue page de la 1ère épître aux Corinthiens qui nous a été proposée en deuxième lecture. Nous sommes un corps ; dans un corps, tous les membres sont indispensables. Les membres les plus prestigieux ne sont pas au-dessus des autres.
Vivons donc en Eglise cette solidarité qui permettra que personne ne soit oublié. Osons nous dire à quel point notre foi est une nourriture et une sécurité. Alors, nos célébrations seront habitées par la joie du Seigneur, et chacun de nos frères pourra se sentir aimé.
Etat au 23 janvier
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