Homélie du dimanche 19 Mai 2025
- igignoux
- 20 mai
- 4 min de lecture
5° dimanche Pâques C. Evangile Jean 13,31-33a.34-35.
Un commandement nouveau ! Voilà une bonne nouvelle : Jésus nous donne quelque chose qui va sortir de l’ordinaire, qui va sortir notre ordinaire de sa routine. Une affirmation à la fois forte et limpide : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. »
On apprécie quand Jésus nous parle de l’amour. L’amour sort l’existence de l’habitude, l’amour renouvelle l’existence. Ce commandement de Jésus est nouveau, non parce qu’il tinte pour la première fois à nos oreilles, mais parce qu’il renouvelle la succession de chaque jour. Que serait une vie sans amour ?
Mais même s’il s’agit d’aimer, nous n’apprécions guère les commandements. Et puis l’amour peut-il se commander ? S’il se commande, est-ce encore de l’amour ? L’amour étant une attitude si profondément libre, en faire un commandement semble incongru. Alors l’amour un commandement ?
Et un commandement nouveau ? Pourquoi le commandement de l’amour serait-il « nouveau » ? Il y a longtemps qu’on à commencer d’aimer. Affirmer le primat de l’amour n’a rien d’une innovation ! Bien avant Jésus, le livre du Lévitique proclamait : « Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur » (Lévitique 19,17) Dans la Bible, les évocations de la règle d’or, ce qu’on appelle dans le judaïsme le « grand commandement », sont innombrables ! Alors l’injonction de Jésus, son appel à aimer, en quoi est-elle nouvelle ?
Bon, il faut souligner et répéter que le commandement nouveau porte non pas sur « aimez-vous les uns les autres », mais bien sur « comme je vous ai aimés » La nouveauté consiste à aimer comme Jésus. Oui, nous sommes les disciples de Jésus si nous aimons comme il nous aime. Les disciples du Christ apprennent de leur maître principalement l’amour, car on n’a jamais fini d’apprendre à aimer. Et comment Jésus nous aime-t-il ?
Juste avant de nous offrir ce commandement nouveau, il nous livre comme un secret : il nous révèle que maintenant le Père est glorifié en lui et que lui-même est glorifié dans le Père. La glorification ?... Nous ne sommes pas vraiment habitués à ce vocabulaire. Pourtant dans l’évangile de Jean, il est important pour connaître Jésus. Cet évangéliste dit essentiellement que nous ne pouvons comprendre Jésus sans reconnaître qu’il est entièrement tourné vers son Père, et qu’il ne veut qu’une chose, le servir et l’honorer, autrement dit le glorifier.
Le glorifier, la gloire… Rien à voir avec les paillettes des stars, ni les marches et le tapis rouge du festival de Cannes. Dans le vocabulaire biblique, la gloire c’est ce qui a du poids, c’est ce qui fait le poids. Un peu comme on dit aujourd’hui d’une personne qu’elle fait le poids, qu’elle a du poids dans notre vie, que sa parole a du poids. Dans l’évangile selon St Jean, Jésus est tout entier dans ce mot-là : abba, Père. Cette parole a du poids pour lui, elle fait le poids dans sa vie, elle inspire ses manières d’aimer. Il se reçoit totalement du Père, de son amour, de cet amour sans mesure, sans limite, un amour jusqu’à l’extrême, jusqu’au don de sa vie. Jésus est l’humble serviteur de cet amour du Père pour les siens, pour la multitude, pour nous aujourd’hui. Et dans cette union jamais espérée entre Dieu et les hommes, Dieu est glorifié. Autrement dit, Dieu a du poids dans la vie des hommes, il fait le poids.
Et maintenant, depuis l’aube de Pâques, nous savons que « le Fils de l’Homme est glorifié », c’est-à-dire que Dieu a posé son « oui » sur cette vie-là, en l’élevant à jamais auprès de lui. Et par-là, nous apprenons que toute vie qui est vécue ainsi, à sa suite, libre d’elle-même et donnant tout, est une vie qui peut traverser la mort sans que la mort ne la détruise, car l’amour de Dieu est fort et même plus fort que la mort.
C’est donc à la lumière de Pâques, qu’il nous faut reconnaître et accueillir la nouveauté de ce commandement : « que vous vous aimiez les uns les autres, comme je vous ai aimés » Oui, Jésus ne dit pas, « aimez-moi comme je vous ai aimés » mais bien « aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Et à ceci, « tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples. »
Autant dire que cela signifie, que pour l’essentiel, l’identité chrétienne ne réside ni dans l’appartenance confessionnelle, ni dans la pratique cultuelle, ni dans tel ou tel conformisme sociologique. Non pas que ces divers éléments soient négligeables. Simplement, ils renvoient au cœur de l’attitude chrétienne : l’amour que nous aurons les uns pour les autres. Or l’amour fraternel est plus exigeant qu’une déclaration de principe ou toutes formes de prosélytisme, de portes à portes, ou de soi- disante évangélisation de rues.
Il y a déjà longtemps, le grand théologien luthérien Dietrich Bonhoeffer pressentait que notre génération aurait à témoigner de l’Evangile au ras d’un monde sécularisé et sans l’appui rassurant d’une religion instituée. Ce que nos contemporains attendent, ce n’est pas d’abord que nous exhibions nos références doctrinales, que nous répétions le nom de Jésus comme un mantra, mais que notre pratique quotidienne réalise le commandement de l’amour. Inversement il ne suffirait pas d’éprouver ou de cultiver quelques sentiments altruistes pour se dire disciples du Christ. Le Seigneur nous appelle à aimer comme lui-même nous a aimés, dans la joie qu’inspire le dépouillement, le don de soi. « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. »
A ceci « tous sauront que vous êtes mes disciples. » La question du témoignage est fréquente aujourd’hui dans l’Eglise : comment rendre compte de notre foi ? La réponse de ce verset est limpide : le premier lieu de témoignage est la vie au sein de la communauté chrétienne. En ce temps pascal, nous pouvons regarder notre vie en Eglise et nous interroger : est-ce qu’elle témoigne de l’amour de Dieu ? Et nous pouvons élargir la question à notre propre vie : de quoi est-ce qu’elle témoigne ? C’est à chacun de se laisser interroger par ce verset. Il en va de l’inouï de l’Evangile, de la nouveauté du matin de Pâques ! Alors encore belle et sainte fête de Pâques à vous tous !
Yorumlar