Dimanche 33TOB. Marc 13, 24-32. Homélie
Mes amis, quel texte curieux !... C’est avec des textes comme celui-ci, non expliqués, mal compris, que l’on fabrique des gens qui haussent les épaules en se moquant de l’Evangile, ou des chrétiens terrorisés. A toutes les époques, il s’est trouvé des prophètes de malheur pour lire dans les événements l’annonce de la fin du monde, comme une catastrophe. Que leur répondre ? C’est important d’y voir clair. Essayons.
Tout d’abord, il faut l’avouer, les mots, le langage nous déroutent. Ce passage d’évangile, en effet, est écrit dans un langage déroutant. Le langage qu’emploie Jésus est celui de l’apocalypse, un langage étrange et déroutant, qui est déjà présent dans le Premier Testament, comme nous l’avons entendu dans le livre de Daniel. Ce genre littéraire évoquant de grandes catastrophes cosmiques qui devaient mettre un terme à l’histoire de l’humanité est souvent utilisé dans la Bible. Une certaine littérature juive était faite de ces pages fulgurantes qui annonçaient à grand renfort d'images, parfois terrifiantes, le Jour où Dieu triompherait des persécuteurs des croyants.
Jésus lui-même a emprunté parfois cette imagerie courante pour se faire comprendre de ses contemporains. 30 ou 40 ans plus tard, débutent les persécutions contre les chrétiens. Néron, par exemple, les fait brûler comme des torches vivantes. Alors les évangélistes - pas seulement Marc, mais Matthieu et Luc et, plus tard, Jean - empruntent ce langage d'apocalypse pour annoncer l'intervention victorieuse de Dieu sur les persécuteurs. Loin de vouloir prédire des catastrophes, ce langage dévoile l’accomplissement de Dieu : sauver les hommes du mal, du péché et de la mort.
La description que nous lisons dans l'évangile de ce dimanche appartient à cette littérature. Il est donc indispensable de savoir cela pour comprendre ce que veut dire St Marc. Nous savons aussi qu'il ne faut pas prendre tous les détails à la lettre.
"Le soleil s'obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles tomberont du ciel " Non, n'ayez pas peur, gaulois le ciel ne nous tombera pas sur la tête ! Mais, au temps de Jésus, les grands voisins des Juifs adoraient le soleil, la lune et les étoiles comme des dieux et des déesses qu'ils redoutaient. Ce texte d'évangile suggère donc ceci : qu'apparaisse le Fils de l'Homme et le temps de ces divinités est révolu. Pas de puissances célestes au-dessus de Dieu et de son Envoyé, Jésus le Christ.
Une autre image : "On verra le Fils de l'Homme sur les nuées du ciel… » Non, Jésus n'a jamais été dans les nuages. Hors sol. La « nuée », c'était le décor traditionnel des apparitions divines, dans l'Ancien Testament. Cette façon imagée de parler, c'est pour dire que le Fils de l'Homme n'est pas seulement le Jésus de Nazareth, pas seulement un prophète envoyé par Dieu, mais qu'en Jésus, c'est Dieu lui-même qui est apparu sur la terre pour accomplir sa Promesse et sauver tous les hommes.
Fini l’explication des mots, venons-en au message. Ce message, vous l'avez compris, ce n'est pas une menace. Fin du monde ne rime pas avec épouvante mais avec espérance. C'est précisément pour encourager les communautés chrétiennes, leur redonner confiance que Marc répète les promesses de Jésus : "Le Fils de l'Homme enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde » Dieu fera donc réussir son dessein d'amour. Le jour et l'heure de cette fin heureuse importent peu à Jésus. Mais une chose est sûre : "Le ciel et la terre passeront, dit-il, mes paroles ne passeront pas"
En clair, les catastrophes annoncées n’auront pas le fin mot de l’histoire. Inutile de perdre son temps à sonder les prédictions de Nostradamus ou à compulser les horoscopes pour savoir quand viendra le temps de la fin. En revanche, il nous faut vivre dans la confiance à la Parole du Fils de l’Homme. Elle nous est donnée comme une assurance qui ne vacillera jamais : elle ne passera pas.
Oui, la fin du monde dont parle Jésus n'est pas une catastrophe, si peu une catastrophe qu'au milieu de ces visions apocalyptiques, Jésus fait se lever le printemps : "Regardez le figuier, dit-il, quand les bourgeons éclatent, la belle saison est proche". Le Fils de l'Homme viendra donc apporter le Salut comme le printemps du monde.
On est loin de la mine défaite des "prophètes de malheur". Ce qu'ils disent est un contresens sur l’évangile. D'ailleurs, chaque fois que nous entendrons l’évangile comme une parole menaçante, attristante, destructrice, il y aura un contre-sens quelque part. L’évangile est Bonne Nouvelle, bonheur pour le monde. Le message de cet évangile n'est donc pas une menace, c'est même une Bonne Nouvelle pour aujourd'hui.
Je m’explique. Savez-vous que la fin du monde est commencée ? Elle a commencé dans l’après-midi du vendredi Saint Les croyants qui ont raconté la mort de Jésus, ont emprunté d'ailleurs le langage apocalyptique, utilisant les mêmes images : "Le soleil s'est obscurci, la terre a tremblé, les tombeaux se sont ouverts » Des images d'apocalypse pour dire, non pas la fin du monde, mais la fin du monde. Oui, le Christ a donné sa vie pour hâter la fin d'un monde, de haine, de mort et de péché et pour que commence un monde nouveau. La résurrection de Jésus est l'anticipation de ce monde nouveau. Et les siècles qui suivront verront se réaliser, lente mais inéluctable, l'éclosion d'une humanité nouvelle, ce que Jésus a appelé le Royaume de Dieu. "Le Royaume de Dieu est au milieu de vous", dit Jésus.
Mais, vous me direz, "où le voyez-vous ce monde neuf ?" Certes, ce que l'on voit d'abord, c'est ce monde toujours de violence, de drames, de haine. Mais il ne faudrait pas que cette lucidité sur le mal étouffe une autre lucidité. Ouvrons les yeux, ce monde nouveau existe partout où des hommes et des femmes s'obstinent à aimer malgré toutes les grimaces du mal aux mille visages. Ce monde de fraîcheur existe, cette terre d'amour existe.
Un bon terrain d'observation : Le Secours Catholique, c’est la journée nationale. Connaissez-vous les initiatives de cette association pour enrayer le malheur et embellir la vie ? Et les conférences St Vincent de Paul, là sur notre quartier, connaissez-vous l'imagination du cœur dont font preuve leurs membres, ils inventent eux aussi la fraîcheur de la vie.
Tout cela, diront certains, c'est une goutte d'eau dans la mer, c'est dérisoire dans cet océan de misère. Non, tous ces gestes de partage, toutes ces initiatives pour soulager la misère, c'est la réponse concrète que Dieu nous suggère de faire pour hâter la fin du monde du mal et du malheur et pour construire avec Lui le monde nouveau où "c'est l'amour qui gagnera".
L’Eucharistie, chaque dimanche, nous rend participant à ce grand mystère. Demandons au Seigneur d’être de plus en plus présent dans nos vies pour les transformer et les rajeunir. Oui, Seigneur, il est des jours, où les ténèbres envahissent la terre. Les puissances du mal provoquent alors d’intolérables détresses. Donne-nous de songer à l’Evangile de ce jour, où tu prédis que le soleil s’obscurcira et que la lune ne donnera plus sa clarté. Ne laisse pas sombrer notre espérance quand les étoiles semblent tomber du ciel. Car tu n’es pas un Dieu qui détruit pour châtier. Au plus fort de l’épreuve, tu nous fais signe et tu nous dis : « Regardez le figuier ! » AMEN
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