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Homélie du dimanche 23 Mars 2025


3° dimanche C. Evangile Luc 13, 1-9. Homélie

 

Massacre politique, effondrement de tour… Mes amis l’évangile de ce dimanche est de la plus haute actualité. Oui, si les deux premiers dimanches de Carême avaient un goût un peu exotique en nous conduisant à l’écart, au désert et sur la montagne, les paroles de Jésus ce dimanche nous font redescendre dans la plaine, elles nous replongent dans notre vie ordinaire, elles résonnent à nos oreilles comme celles d’un présentateur d’une chaine d’infos continue. Le monde est devenu si petit avec les moyens de communication, internet, les réseaux sociaux que les guerres, les catastrophes, les crises en tout genre… les évènements s’engouffrent chaque jour chez nous.


   Et parfois aussi, au cours d’une vie, ces instants tragiques se font plus proches : un parent, un ami, un voisin sont frappés injustement. Nos vies elles-mêmes sont marquées par l’inattendu : une maladie, une mort bouleversante, une rupture d’affection et tant d’autres situations qui ébranlent et peuvent terrasser. Des questions viennent alors spontanément à nos lèvres : Pourquoi moi ? Pourquoi eux ? Pourquoi cette violence ? Pourquoi toute cette souffrance ? Pourquoi ce non-sens ? Et derrière ces questions s’en cache une autre encore, du moins pour les croyants : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour mériter ça ? » Oui, si Dieu est bon, pourquoi tout ce mal ? Question vertigineuse, éprouvante, qui nous laisse sans repos… Pas facile d’y répondre… Peut-on d’ailleurs y répondre ?


   Pourtant, ceux qui s’adressent ici à Jésus dans l’évangile ont leur explication au malheur. Le malheur ?... Il s’abat sur des gens qui l’ont mérité. Deux drames sont évoqués : une tuerie, une catastrophe accidentelle. Deux tragédies parmi tant d’autres, comme il en arrive chaque jour partout dans le monde. Aussitôt les gens s’interrogent : pourquoi la mort a-t-elle frappé ceux-là plutôt que d’autres ? Les victimes seraient-elles moins innocentes qu’il y parait, auraient-elles ainsi payé des fautes inavouées ? L’interrogation vire à la suspicion. Vous savez, c’est le syndrome des « amis de Job » s’acharnant à convaincre l’affligé qu’il doit être, d’une façon ou d’une autre, responsable de son malheur. Suspicion toujours vivace encore aujourd’hui, il suffit de repenser au virus du Sida, certains osant dire que c’était une punition de Dieu vis-à-vis de gens aux comportements déviants. C’est la justice divine, le châtiment de Dieu. Selon la logique de la rétribution, du donnant-donnant… Dieu bénirait les justes et maudirait les pécheurs.


     Mais Jésus, n’entre pas dans ces manières de penser. Il refuse de voir dans les catastrophes la conséquence d’un péché commis par ceux qui en sont les victimes. Et par deux fois, il pose la question : « Pensez-vous que ces victimes étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je

vous dis : pas du tout ! » La réponse est claire. Jésus refuse d’associer la tragédie au péché des victimes ou de laisser croire que la volonté de Dieu pourrait suffire à expliquer les catastrophes. Jésus condamne donc la conception courante à son époque d’une rétribution temporelle, dont relèvent certaines phrases malheureuses qui nous échappent encore : « Tu l’as bien mérité… C’est bien fait… C’est le bon Dieu qui t’a puni !.. »

   Bon, ceci dit, la déconnexion entre le péché et la catastrophe, c’est quelque chose que nous comprenons bien aujourd’hui. Que la catastrophe soit indépendante de la volonté humaine, comme cette tour qui s’écroule à Siloë, ou qu’elle soit provoquée par le cœur de l’homme, comme cette répression ordonnée par Pilate, nous savons que ce n’est pas une punition des victimes : « Pas du tout ! » Oui, en 2OOO ans l’Evangile a fait son travail de conversion des mentalités, il nous a libérés de cette idée de rétribution divine. Souvenez-vous, dans l’évangile de Jean, lors de la guérison de l’aveugle-né, Jésus expliquera que la maladie de l’enfant n’est liée ni à une faute de l’enfant, ni à une faute de ses parents. Et nous le comprenons bien aussi aujourd’hui, parce que, la science aidant ainsi que le progrès technique, nous sommes des spécialistes de la recherche des causes. A l’origine des maladies, il n’y a pas un péché du malade, mais un virus. A l’origine de la chute d’une tour, il n’y a pas un péché de ceux qui sont écrasés par elle, mais un défaut de construction ou un glissement de terrain. Aujourd’hui nous dirions que les personnes sont mortes par malchance, en étant au mauvais endroit au mauvais moment. Oui, il y a des malheurs dans la vie.


   Mais une question demeure. Si Dieu est bon, où donc est-il, quand le malheur s’acharne contre un innocent ? Pourquoi ne punit-il pas ceux qui font le mal ? Pourquoi laisse-t-il faire le méchant ? De nos jours, parce que nos explications sont plus horizontales, beaucoup diraient que c’est la preuve que Dieu n’existe pas. Mais nous, les croyants, que pouvons nous dire ? Justement, les lectures de cette messe interrogent l’image que nous nous faisons de Dieu. Certes la réponse de Jésus laisse intact le mystère de la souffrance des innocents. Jésus sait que l’incertitude est constitutive de notre vie. Mais il ne cesse d’annoncer et de témoigner que Dieu n’est pas à l’origine des accidents, des catastrophes naturelles, des tragédies qui surviennent et touchent des personnes, qu’elles soient bonnes ou non. Les épreuves, Jésus ne les explique pas, il ne les justifie pas, il ne les supprime pas, il s’en émeut. Il souffre de ce qui nous fait mal. Il entend les cris d’incompréhension et de douleur des victimes : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances, je suis venu pour le délivrer et le faire monter vers un beau et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel. » En un mot : Jésus éprouve la compassion de

Dieu, d’un Dieu qui veut nous libérer de la puissance du mal dans nos cœurs et nos esprits.


Donc pas de théories, d’explications, de doctrines qui chercheraient à justifier l’innommable. Mais un appel fort, pressant, urgent à nous convertir, à accepter qu’il bêche la terre de notre cœur pour l’aérer, le mettre au large, le faire respirer ; pour nous laisser imprégner de la confiance en Dieu. Mais pas n’importe quel dieu, le Dieu qui nous libère de l’esclavage de la prégnance du mal et du malheur dans nos vies. Certes la conversion ne nous fera pas échapper au malheur, mais elle sapera les assises du mal dans nos consciences. Sinon hypnotisés, paralysés par la question du mal nous devenons stériles, nous sommes des morts vivants. D’où la mise en garde de Jésus : « Si vous ne vous ne vous convertissez pas, vous mourrez ». Oui, face au mal, Jésus nous presse de toute urgence à choisir l’amour, lui seul portera du fruit.

La parabole de Jésus sur le figuier stérile nous dit en effet ce qu’est la conversion dans ce monde de souffrance et d’injustices. Notre conversion se mesure à notre engagement à construire la justice là où tout croule sous l’injustice, à soigner là où la maladie se propage, à bâtir le Royaume dans un monde en voie de perdition. Le Christ nous envoie auprès des victimes comme Dieu a envoyé Moïse : « Retire tes sandales car le lieu que foulent tes pieds est terre sainte ! » Les victimes du mal deviennent terre sacrée et ne peuvent nous laisser indifférentes. Nous sommes un peuple « élu » afin de poursuivre l’œuvre de Dieu, pour que les gens vivent, malgré les malheurs.


      Conscient du labeur de la conversion à laquelle le Seigneur nous appelle, devant ce figuier qui tarde à porter du fruit, Jésus exprime aussi toute la tendresse et la douceur d’un Dieu qui espère, malgré tout, en nous. Dieu est prêt à nous attendre, même si l’urgence de la conversion n’en reste pas moindre. La finale de la parabole semble en effet nous accorder un délai supplémentaire pour porter ces fruits de conversion : le temps du carême est court, mais il nous est réellement donné. La conversion est urgente, mais l’espace nous est toujours ouvert pour l’entreprendre. Il n’est pas trop tard. Il y a urgence à vivre la charité, l’amour de Dieu nous presse ! C’est déjà la mi-carême, alors « convertissons-nous et croyons à l’évangile ! »

Yorumlar


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