La Toussaint nous invite à rendre grâce à Dieu pour la sainteté de vie de tant d’hommes et de femmes : ceux du calendrier, ceux dont nous portons le prénom, ceux récemment canonisés aussi bien que la foule immense de ceux dont la sainteté est connue de Dieu seul.
La Toussaint est en quelque sorte la fête de l’Eglise toute entière, celle du ciel et de la terre, Eglise qui se reçoit et se transmet, dans l’Esprit-Saint, à travers la vie des saints d’hier et d’aujourd’hui.
Pour autant, la joie de cette fête est fortement ternie aujourd’hui par l’image que l’Eglise renvoie d’elle-même.
Nous constatons qu’hélas l’Église est loin d’être sainte. Bien au contraire !
La révélation récente d’abus en tout genre, en France comme à l’étranger, nous met cruellement devant les yeux les actes pervers commis par des religieux/ses, prêtres et même évêques…
Où va-t-on ? Quand est-ce que cela va cesser ? Comment réagir ?
Face à la tempête provoquée par la révélation de ces scandales à répétition, nous pouvons avoir la tentation de quitter le navire. Certains l’ont fait, désespérant d’une réforme possible de l’Eglise. D’autres, au contraire, croient et espèrent encore en une réforme de l’Eglise.
En célébrant la fête de Toussaint, nous croyons que la vocation de l’Eglise est plus sainte que les agissements des délictueux des membres qui la composent. Aujourd’hui, nous est donnée de vénérer de belles figures de sainteté à travers le témoignage d’hommes et de femmes qui, par leur générosité de vie, le courage de leurs paroles prophétiques, nous font encore espérer en l’Eglise.
Les saints sont une grâce à recevoir en ces temps troublés. Ils sont les témoins tangibles de la sainteté de vie à laquelle le Père ne cesse de nous appeler jusqu’à nous donner son Fils, lui le Saint de Dieu par excellence.
L’Eglise a donc besoin de saints toujours et encore.
Mais quels saints l’Eglise a-t-elle besoin aujourd’hui ?
Il paraît bien présomptueux de répondre à cette question !
Parce que la sainteté n’est pas d’abord une médaille reçue pour service rendu à l’Eglise. Parce que des saints, il en existe autour de nous. Et ils sont nombrux ceux dont la vie reste cachée dans le cœur de Dieu. Sans doute connaissons-nous des personnes dont l’existence nous édifie par leur vie de prière ajustée à la Parole de Dieu, par l’humilité et la simplicité de leur comportement, par leur dévouement sans relâche…
N’est-ce pas d’abord cette sainteté là dont l’Eglise a besoin : celle d’hommes et de femmes, passionnés de l’Evangile au point de se donner généreusement dans la prière et l’amour désintéressé du prochain.
Des personnes qui consentent à servir leur prochain, sans se servir eux-mêmes, ni se servir abusivement des autres. Des hommes et des femmes préoccupés par la défense de la justice et l’exercice de la charité par tous les moyens.
L’Eglise a besoin de ces prophètes des temps modernes : des prophètes à la voix interpellatrice, provocatrice même, qui bousculent nos modes de pensée à sens unique, nos idées toutes faites, nos paroles définitives sur tout ; des prophètes aux mains usées à force d’avoir servi, aux engagements sociaux et politiques qui prennent en charge le mal et le malheur de nos contemporains tout en s’attaquant aux injustices qui les provoquent.
L’Eglise a besoin d’hommes et de femmes qui soient des artisans de paix et de communion entre les personnes : à l’intérieur de nos familles, dans la société, entre les peuples, entre les religions, même au sein de notre Eglise de plus en plus fragmentée en de nombreuses chapelles aux multiples tendances.
L’Eglise a besoin de priants, qui osent élever leur voix vers Dieu : aussi bien une louange généreuse pour les bienfaits reçus de Lui, qu’un cri de détresse lorsqu’il ne reste d’autre offrande que celle d’une vie souffrante.
Par-dessus-tout, l’Eglise a besoin d’hommes et de femmes éveillés à l’Essentiel, cet Essentiel qui nous est manifesté en ce Dieu fait homme, lui qui nous a montré l’homme pour voir Dieu.
Montrer l’homme pour voir Dieu. Sommes-nous prêts, par l’intercession des saints d’hier et d’aujourd’hui, à relever le défi en aimant cette humanité complexe et passionnante à la fois.
Pour l’aimer, il faut deviner en elle la présence discrète mais toujours attirante du Christ qui nous appelle.
Croire que Dieu aime tant ce monde au point qu’Il nous l’a confié pour l’achever en l’humanisant. Et quel plus beau signe d’humanisation que l’envoi d’un Fils pour nous le signifier et nous le rendre présent.
Cet envoi du Fils, qui est notre frère, représente pour nous le plus bel acte de confiance qui soit. Il signe l’inlassable espérance de Dieu pour chacun de nous.
Depuis le jour où l’on a été touché par cet appel de Dieu, nous savons que nous pouvons nous lancer dans cette aventure d’alliance avec Lui, à la mort et à la vie. Nous ne serons jamais déçus.
C’est bien cela, je crois, qui est nécessaire pour notre Eglise aujourd’hui : une sainteté d’espérance. Amen.
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